Articles

Mathias Enard : Mélancolie des confins : Nord,

  Mathias Enard, Mélancolie des confins : Nord, Actes Sud, 2024    Autobiographie ou autofiction, ce récit nous promène dans Berlin et dans son histoire, mais pas que. Le prétexte : une visite à une amie victime d’un AVC. Le temps est comme suspendu car devant le tragique point d’avenir. Le présent demeure comme support à une rêverie alimentée par des souvenirs qui surgissent au gré des lieux. Car l’auteur déambule dans la ville, mêlant les différents quartiers avec de petites histoires personnelles (la sienne ou celle de personnages plus ou moins illustres) ou la grande histoire, notamment celle des guerres mondiales et plus particulièrement la seconde. On a du mal à suivre ce récit désarticulé : quelle est sa finalité, on ne saura pas. Peut-être montrer l’érudition de son auteur, mais alors ce geste ne satisfait que lui-même. Il pourra néanmoins intéressé le Berlinois ou le touriste en quête de dévoilement de la réalité qui s’offre sous ses yeux.

Les origines racistes du capitalisme

Image
 Sylvie Laurent, Capital et race. Histoire d'une hydre moderne , Seuil, 2024, 510 p. Dans les années 1960, Martin Luther King politise la question raciale en intriquant, exploitation, relégation, domination raciale et violence d'État. Si on a retenu de son combat la face antiraciste, il y a une autre perspective qui est celle de l'anticapitalisme. Car souvent sont dissociées les questions du capitalisme et celle des structures du racisme, alors qu'elles sont profondément liées. Historiquement, la conquête des Amériques le fut au prix de « l'esclavage de plantation et l'expropriation des individus ». « La conquête et la colonisation du Nouveau Monde fut aussi, pour l'Ancien Monde, l'accumulation première du capital, fondatrice et structurante. » (10) Colonisation, esclavage, exploitation, apparaissent donc, comme « la matrice du capitalisme ». Le terme de race peut être utilisé comme méthode de description intégrant des hiérarchies imaginés par les raci...

Les transformations du monde ouvrier

Image
  Stéphane Beaud & Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux–Montbéliard , Fayard, 1999, 468 p. Introduction Les ouvriers deviennent « invisibles » alors que la réalité du « travail enchainé » persiste, même si les mots changent avec l'apparition des « opérateurs ». De nouvelles formes de domination symbolique émerge. Ce qui repose les questions des relations entre les générations où les plus jeunes ont eu un temps scolaire plus long. Ce qui amène à faire un pas de côté par rapport à la sociologie du travail longtemps focalisée sur l'entreprise et l'atelier. Car la possession d'un capital scolaire tend à devenir un élément décisif dans beaucoup de sphères de la société. Coût moral et affectif de l’investissement scolaire i.e de l’entrée dans la compétition scolaire pour des parents ouvriers d’autant que l’absence de maîtrise des filières conduit souvent à l’échec, et donc au ressentiment ou à la perte d...

Quel est le sens des larmes ?

Image
  Guillaume Le Blanc, Oser pleurer , Albin Michel, 2024, 270 p. Pleurs solitaires « Les larmes unissent les âmes, les transportent les unes dans les autres, créent un plasma commun d’où, émerger encore comme sujet solitaire n'a guère de sens. » (12) Pourtant se pose la question de l'interprétation des larmes. L'idée qui file au long de ce livre, c'est que « nous ne sommes pas les auteurs de nos pleurs. » Il faudrait dire « « je suis pleuré » plutôt que « je pleure ». (13) Pleurer nous dépasse, les larmes arrivent ; « pleurer est toujours déplorer et implorer. » (14) Si on s'interdit de pleurer, c'est aussi à cause de conventions sociales, elles sont venues comme « inconvenantes » ou même « menaçantes » (15). Elles sont réservées aux femmes depuis le XIXe siècle, et cantonner à la sphère privée. « Le pleureur est un efféminé qui mime la femme hystérique tout en larmes et en convulsions. » (18) Celui qui est mort s...

Ethnologie des peuples sans écriture

Image
  Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage , Plon, 1962, 395 p. Chapitre 1 : la science du concret L'usage de l'abstraction n'est pas fonction de capacités intellectuelles, « mais des intérêts inégalement marqués et détaillés de chaque société particulière » (5). Dans toute société, l'univers « est objet de pensée, au moins autant que moyen de satisfaire des besoins. » (5) L'univers faunistique et floristique est particulièrement développé dans certaines sociétés, et cette familiarité a frappé différents enquêteurs ethnographes. On y relève une capacité d'observation détaillée, comme par exemple ces indiens Blackfoot, qui pouvaient diagnostiquer l'approche du printemps d'après l'état de développement des fœtus de bisons. Ainsi, la pensée magique « cette gigantesque variation sur le thème du principe de causalité » (Hubert et Mauss) se distingue moins par l'ignorance du déterminisme, que par son exigence plus intransigeante que celle de la science (...