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Bilan et pespective de l'action politique anticapitaliste

  Étienne Balibar & Toni Negri & Mario Tronti, Le démon de la politique , Amsterdam éditions, 2021, 189 p.  Jamila. M. H. Maska : Préface La guerre de toujours est la lutte de classe, un combat qui fut civilisé , notamment par l'antagonisme ouvert des classes, et qui est a présent transfiguré dans le scénario apolitique du choc des civilisations. Dans cette conjoncture désolante où l' agir est réduit au réagir , la bataille politique pour l'hégémonie ne peut être menée, selon Tronti, que sur le terrain de la théorie. » (20) Ce philosophe est porteur d'une vision du marxisme contemporain, dans l'opéraïsme, où son point d'ancrage est le point de vue « partial, unilatéral, anti-universel », un point de vue ouvrier donc, et d'autre part, « une articulation caractéristique du lien entre théorie et pratique, rapport asynchrone et discordant », et enfin « une vocation antiréformiste ». A rebours, la question qui se p...

Jean-Paul Dubois : Une année sous silence

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  Jean-Paul Dubois, Une année sous silence , Éditions de l'Olivier, 2005 (1992), 184 p.  Lire ce roman après un classique comme Balzac, c’est comme soudainement manquer d’air. L’histoire raconte la vie d’un homme où rien n’est plaisant : une femme non aimante qui lui a donné deux enfants mais dont il n’est pas le père, et avec laquelle il fait l’amour mécaniquement, cette femme se suicidant par le feu dès le début du livre ; des « professions » inintéressantes ; des enfants qu’il n’aime pas ; des voisins qu’il scrute et qu’il harcèle ( dont un prêtre libidinal). A tourner en rond dans son vide existentiel, il finit, mutique, à l’hôpital psychiatrique, dont il ne sort qu’avec des envies suicidaires et meurtrières : mettre le feu à l’immeuble où il vit. L’histoire s’achève d’ailleurs là, avant qu’il ne passe à l’action. Cette vision contemporaine totalement désenchantée est servie par une écriture froide et clinique, non sans scènes loufoques c...

Honoré de Balzac : Eugénie Grandet

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  Honoré de Balzac, Eugénie Grandet , Folio Gallimard, 1972 (1834), 277 p. Voilà un livre formidable ! Un roman classique dit-on. Peut-être alors qu’une des marques du classicisme est qu’il est indémodable. L’histoire porte sur un Harpagon de l’après Révolution, un tonnelier provincial, qui jour après jour s’enrichit autour de cette activité, et bientôt d’autres. Sa marque de fabrique est l’avarice, une avarice crasse, celle des hommes riches qui pillent leur femme et leur enfant. Car le bonhomme a une fille, Eugénie, qui donne le relief au roman. L’argent de son père a de quoi attirer les convoitises alentours, et voilà que des familles rivales, Cruchot et Grassin, jouent des épaules pour marier un des leurs avec la promise. La lutte est féroce, et le père observe le jeu, pragmatique : « Ces gens-là, dit le prêtre à l'oreille de l'avare, jettent l'argent par les fenêtres. Qu'est-ce que cela fait, s’il rentre dans ma cave ? répliqua le vigneron....

Réflexions sur l'art de la révolution

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  Guillaume Fondu, Que faire de Lénine ? Éditions Critique, 2023, 206 p.  L'hypothèse du livre : Lénine incarne « de façon particulièrement paradigmatique une certaine manière de réfléchir politiquement » (13) fondée sur la rationalité. Mais aussi qu'il ne suffit pas d'avoir une connaissance des déterminismes sociaux et/ou historique pour s'émanciper, et donc que le « discours politique doit proposer autre chose. » (16) Si la science a affaire au réel, « la politique, elle, n'a de sens que dans un certain rapport au possible (…) qu’il s'agit à la fois de déceler et de faire exister » c'est-à-dire tracer des perspectives qui soient réalistes. (16) Et seule finalement la situation dira si le projet proposé était viable ou non. « Dans la durée, c'est la question de l'adaptation du scénario qui se pose, toujours prise entre le besoin d'une adaptation relative au changement de situation et la nécessité de maintenir une certaine const...

Le colonialisme : histoire et traces

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  Marc Ferro (sous la direction de), L e livre noir du colonialisme. XVIe .– XXI siècle : de l'extermination à la repentance , Robert Laffont, 2003, 843 p. I. L'extermination Yves Béno : la destruction des Indiens de l'air e c araïbe La colonisation européenne accumule les viols, et les meurtres, comme si les Espagnols « prenaient leur revanche d'un catholicisme rigoriste en passant outre à toute règle morale à l'égard des peuples dits païens. » (42) Pap Ndiaye : l'extermination des Indiens d'Amérique du Nord Bien qu'on ne puisse chiffrer le nombre d'indiens vivant en Amérique du Nord avant l'arrivée des Européens vers 1500 (une fourchette de 6 à 8 millions de personnes), il ne restait plus que 375 000 personnes vers 1900 : une catastrophe démographique d'une ampleur probablement unique dans l'histoire de l'humanité. Un déclin dû aux maladies (certaines répandues volontairement comme la variole), aux guerr...

Les conditions juridiques de la liberté d'expression

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  Thomas Hochmann, "On ne peut plus rien dire..." Liberté d'expression : le grand détournement , Anamosa, 2025, 72 p.  La liberté d'expression s'inscrit dans un processus de communication au sein duquel existe « une certaine dose de dissuasion, d'autocensure », et qui voit « le triomphe de certaines idées sur d'autres qui deviennent difficilement exprimables. » (12) Il faut donc que les protagonistes de la discussion admettent ce préalable, celui d'être contredit. Mais des condamnations judiciaires peuvent être légitimes quand on s'en prend à la totalité d'un groupe et qu'on assimile par exemple les musulmans à des terroristes. En effet, les tribunaux condamnent des expressions contenant un appel ou une exhortation à la haine, la violence ou la discrimination et il s'agit donc de voir si les formulations litigieuses peuvent être interprétées par l'auditeur dans ce sens. Cela peut être subtil par exemple quand Pie...