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Affichage des articles du août, 2022

Robert Lewis : Dernier train pour Llanelli

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  Robert Lewis, Dernier train pour Llanelli , L’esprit des péninsules, 2006, 335 p. Robin Llywelyn est détective privé. Enfin, plus ou moins. Son travail à plein temps consisterait plutôt à lever le coude sans discontinuer puis à tituber dans les rues de Bristol. Il a déjà un pied et demi dans le caniveau quand se présente une dernière affaire - comprendre une dernière chance. Une femme l’engage pour piéger et faire chanter son mari. À Robin de trouver une prostituée, à Robin de récupérer l’argent. Et de gagner au passage de quoi se remettre en selle. Ou au moins de se payer un verre. Si seulement la vie était aussi simple... Roman noir avec un anti-héros très marqué par l’échec dans sa vie professionnelle ou autre. Désespérant. L’histoire n’est pas très accrochante, par contre il y a quelque chose dans le style qui rappelle Henry Miller à vouloir restituer la vie telle qu’elle est, sans fioriture ni embellissement.

Ted Lewis : Get Carter

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  Ted Lewis, Get Carter , Ed. Payot & Rivages, 1991 (1970 éd anglaise), 266 p. C’est encore du bon boulot. Une plongée dans le milieu de la pègre anglaise autour du héros Jack Carter, un voyou ni sympathique ni repoussant, qui montre les valeurs et codes (l’honneur avant tout) qui prévalent pour lui, à l’occasion de la mort de son frère. Il mène son enquête à la manière d’un flic mais les scrupules en moins. Du coup beaucoup de scènes de violence (armes à feu, couteaux, tortures). Mais ce qui plaît avant tout, c’est cette capacité de l’auteur à décrire un lieu, une situation, un personnage, en peu de mots. On visualise très bien les scènes. C’est vraiment de la lecture qui a sa transposition potentielle au cinéma. Par contre là encore la fin semble bâclée, en tout cas inachevée.

Ted Lewis : Sévices

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  Ted Lewis, Sévices , Ed. Payot & Rivages, 1993 (1980 éd. anglaise), 350 p. Le moins bien de la série pour l’instant, mais peut-être dû à un manque de concentration au début qui fait que j’ai éprouvé quelques difficultés à me repérer dans les personnages et l’entrecroisement binaire des histoires (un coup une situation, un coup une autre, jusqu’à leur réunion finale ). Émergent quand même quelques scènes d’actions et la noirceur habituelle.

Ted Lewis : Jack Carter

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  Ted Lewis, Jack Carter , Ed. Payot & Rivages, 1996 (1974 éd. anglaise), 267 p. C’est du roman noir, pas du polar tourné vers une enquête et une énigme, mais un récit, c’est-à-dire la peinture d’une micro société celle de truands. Et à ce jeu-là, Lewis est très fort pour restituer la vraisemblance du milieu, avec ses codes de l’honneur (et de la frime), son machisme, sa violence, sa truculence verbale. De même il sait en quelques mots dépeindre un décor, poser une ambiance. Donc sa qualité réside avant tout dans un style plutôt que dans une histoire.

Ted Lewis : Billy Rags

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  Ted Lewis, Billy Rags , Ed. Payot & Rivages, 2002 (1973 éd. anglaise), 353 p. Il y a indéniablement un style chez cet auteur, un style fluide, très ancré dans la vie et l’action. Il possède la capacité à étirer celle-ci par la description de détails tout en la rendant très vivante. L’argument ici est un prisonnier qui ne pense qu’à se faire la belle : première partie se passe en taule sous les rapports virils et concurrentiels des taulards entre eux ; la seconde est l’évasion ; la troisième est l’impasse de la condition d’évadé qui rend nécessaire la tentation d’un autre coup.

Ted Lewis : Plender

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  Ted Lewis, Plender , Ed. Payot & Rivages, 1996 (1971 éd. anglaise), 303 p. C’est du bon bouquin que celui-là. D’abord la construction originale à deux voix, celle des deux protagonistes, qui menant la même action, permettent de la voir de deux points de vue. Déroutante au tout début, cette manière de faire fait toute la force du récit. Cette forme est de surcroît parfaitement adaptée au contenu puisqu’il s’agit en quelque sorte d'une vengeance, qui, quoique non méditée et s’offrant par opportunité, n’est pas ratée par l’auto-justicier. C’est d’autant plus remarquable que cela donne lieu à des développements sur la psychologie des personnages tout à fait crédibles, avec quelques brins d’humour. Il y a dans tout cela quelque chose qui rappelle un peu Lodge, Seule peut-être la fin est décevante.

La révolution montrée au cinéma

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  Roger Icart, La Révolution française à l’écran , Toulouse : Milan, 1988 En 1914 la Révolution française n’est pas sur les écrans pour ne pas étaler les luttes fratricides et les troubles. Ainsi 93 que tournait A. Capellani est arrêté et terminé en 1917 et ne sera projeté qu’en 1921 (15-16) car interdit. La période précédant la Révolution française est peu mise en images sauf : l’affaire du collier de la reine, et les fastes de la Cour dans diverses Marie Antoinette . Les conditions de vie du peuple sont peu montrées (33) « La prise de la Bastille le 14 juillet 1789 fut le premier événement révolutionnaire retenu par le cinéma. Ni la réunion des États généraux, ni le serment du Jeu de paume, ni la création de l’Assemblée constituante n’ont fourni matière à scénario, tout au plus quelques allusions. » (37) Mais les difficultés matérielles de la reconstitution limitent son impact hormis pour les producteurs américains plus dotés ; elle sera donc plus souvent évoq

Le vin élevé en biodynamie

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  Olivier Humbrecht & Thierry Weber & Bertrand Mac Gaw & Michel Onfray …le vin mauvais ? Éditions Tonnerre de l’Est, 2017, 64 p. En prenant à rebrousse-poils le nouvel inquisiteur de la pensée différente, les auteurs montrent les bases philosophiques et scientifiques de la pratique de la bio-dynamie, ainsi que de ses résultats patents. Ce qui peut poser question c'est l'idée qu'il existerait dans la nature « une forme active et spirituelle » non réductible donc à une approche matérialiste. Mais d'où viendrait cette vitalité ?

Philosophie du vin

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  Olivier Humbrecht, Grain sensible, Éditions Tonnerre de l’Est, 2015, 125 p.  Par rapport au premier livre lu de ce vigneron-auteur, celui-ci est plus convaincant. D'abord il est très bien écrit, dans un style fluide et sensible qui restitue bien l'engagement de son auteur dans sa cause, produire un vin de qualité. Ensuite il montre comment la conversion en biodynamie à la fin des années 90 est une conversion totale, qui « atteint » l'homme lui-même. Celui-ci, formé par les sciences-dures comme il le dit lui-même, envisage désormais son métier à l'échelle du cosmos : ou comment la plante est prise dans un système de relation du bas (la terre) vers le haut (les planètes) et réciproquement.

Les classes sociales en Europe : état des lieux

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  Cédric Hugrée, Etienne Penissat, Alexis Spire, Les classes sociales en Europe : tableau des nouvelles inégalités sur le vieux continent , Agone, 2017, 272 p.  Constat de mouvements de main-d’œuvre particulièrement importants depuis l'élargissement de l'union européenne : d'une part depuis la Bulgarie et la Roumanie vers l'Espagne, l'Italie, et d'autre part vers le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Allemagne en provenance des ex pays de l'est. Forte augmentation du nombre de travailleurs détachés, plus 45 % entre 2010 et 2014. Ils sont 2 millions aujourd'hui sur le continent. « Derrière ce qui est souvent présenté comme des oppositions identitaires et nationalistes se retrouvent des conflits politiques fondés sur des clivages de classe. » (15) Des clivages de classe au delà des nations Les structures économiques des pays d'Europe peuvent être présentées en trois grands ensembles : À l'ouest et au nord prédominent des em

Victor Hugo : Quatrevingt-treize

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  Victor Hugo, Quatrevingt-treize , Gallimard-Folio, 1979, 533 p. « C'est que c'est tout de même un véritable massacre pour l'entendement d'un Honnête homme répliqua le grenadier, que de voir des des iroquois de la Chine qui ont eu leur beau-père estropié par le seigneur, leur grand-père galérien par le curé et leur père perdu par le roi et qui se battent, nom d'un petit bonhomme ! Et qui se fichent en révolte et qui se font écrabouiller pour le seigneur, le curé et le roi. » (41) Au paysan qui le protège, le marquis de Lantenac lui dit : « mais il n'est pas nécessaire que tu comprennes cela. » (99) « J'ai vu que vous étiez hors-la-loi. Qu'est-ce que c'est cela, la loi ? On peut donc être dehors. Je ne comprends pas. Quant à moi, suis-je dans la loi ? Je n'en sais rien. Mourir de faim, est-ce être dans la loi ? » (117) Sur la politique et l'auto exclusion non synonyme d'infériorité : « et puis il y a des choses qui se p

Hervé Le Tellier : L'Anomalie

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  Hervé Le Tellier, L'Anomalie , Gallimard, 2020, 332 p.   Un livre primé d'un Goncourt et explosant les ventes (plus d'un million) voilà qui a de quoi surprendre. En effet s'il se lit relativement aisément du moins dans un premier temps, son architecture n'en est pas moins déroutante puisque chaque chapitre est l'occasion de démarrer une histoire particulière avec des personnages singuliers. Chaque petite histoire met en scène des univers et des problématiques différents (mais appartenant tous à des milieux plutôt bourgeois) et possédant chacun des attraits indéniables. On se demande où on va jusqu'à ce que ces historiettes convergent vers une énigme commune : tous ces personnages ont en effet pris le même avion à direction de New York en juin, voyage marqué par de fortes turbulences. Or se produit une découverte incompréhensible, cet avion a déjà atterri en mars, avec les même passagers. Comment expliquer ce phénomène ? Des savants de tous le

Donna Leon Dissimulation de preuves

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  Donna Leon, Dissimulation de preuves , Points, 2008, 296 p. Si le cadre vénitien de l’histoire peut donner quelques plaisirs ici et là, en revanche ni l’argument (la mort d’une vieille dame haïe) ni le déroulement de l’enquête ni même les personnages (insuffisamment complexes) ne remplissent l’imaginaire du lecteur. Quelques qualités d’écriture mais dans un style trop scolaire.

Pierre Lemaitre : Au revoir là-haut

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  Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut , Albin Michel, LGF, 2013, 619 p. C'est une histoire pas tout à fait vraisemblable (avec certains passages qui tournent à la farce comme quand Albert revêt la tête de cheval fabriquée par son comparse Édouard) d'une arnaque effectuée par deux anciens poilus, mais plutôt bien racontée et vivante, qui entraîne le lecteur à la fois dans la description du monde militaire puis du monde bourgeois. Dans un style pas toujours très léché mais néanmoins avec quelques effets, et toujours fluide. Comme chez Zola ce qui fait le plus mouche est la description de la cupidité, de l'envie, de l'arrivisme.

Pierre Lemaitre : Robe de mariée

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  Pierre Lemaitre, Robe de mariée , Calmann-Lévy, 2009, 271 p. D’abord il y a l’idée : elle est fameuse ! Une meurtrière, folle ; du moins c’est la première approche. Elle sera démentie dès la deuxième partie. Car l’autre point fort du livre relève de sa structure en 3 temps : le récit dans la bouche de la « meurtrière », sa folie, son errance, sa volonté et sa stratégie pour se dissimuler, se refaire une identité et une vie. Puis la découverte dans la deuxième partie racontée par un autre protagoniste (l’homme épousé), que tout cela n’est que manipulation machiavélique ; enfin la troisième partie explique d’une par les raisons de cette manipulation et l’objectif meurtrier du mari, et d’autre part la prise de conscience et l’action de la femme pour échapper à son destin. On est dans une histoire à la manière de Psychose à la fois dans l’argument psychanalytique et dans le suspens, avec un aspect très venimeux et malsain. Le bémol viendrait du style pas très léché, et d

Analyse sociologique de l'émeute et de l'émeutier

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  Romain Huët, Le vertige de l'émeute. De la Zad aux Gilets jaunes , Puf, 2019, 180 p. Hypothèse : « L'émeute est désirée en tant que lieu d'un présent intensifié. Elle est vécue comme un événement où la vie fait l'épreuve d'elle-même alors que ces temps peinent à être réalisés dans les autres domaines de la vie ordinaire. » (17) Dans son accomplissement l'émeute s'improvise (22). Elle est « l'administration d'une violence confuse, brève mais domestiquée. Elle consiste à créer une atmosphère dont le but est de troubler et de précariser le pouvoir. » (24) L'individu est « saisi d'une fascination perceptive provoquée par le désordre, les bruits, les odeurs, qui confine à un sentiment d'irréalité ou d'effondrement du monde avec fracas. » (24) Il y a mise en spectacle, avec le souci manifeste de la quête d'un regard, « le souci d'apparaître dans le champ commun de visibilité. » (24) Satisfaction d'un temp