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Affichage des articles du mars, 2022

L'histoire des intellectuels français depuis 1945 (2)

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  François Dosse, La saga des intellectuels français,   tome 2 : L’avenir en miettes (1968-1989), Gallimard, 2019, 702 p. Michel Foucault fait la critique de l'anti Œdipe et il voit trois types d'adversaire : les professionnels de la révolution qui professent l'ascétisme pour faire triompher la vérité ; les techniciens du désir que sont les psychanalystes et sémiologues qui traquent sous les signes les symptômes ; et le fascisme, non seulement comme type de régime politique, mais comme ce qui couve en chacun de nous. Pour se prémunir de ce fascisme, Michel Foucault met en garde contre les attraits du pouvoir qui implique de résister à toute forme de renfermement unitaire, de favoriser l'action, la pensée et le désir en les faisant proliférer, et de s'affranchir de la catégorie du négatif. C'est donc un guide de nature à modifier la vie quotidienne de chacun. (170) Lors des manifestations féministes au début des années 70, les femmes arborent des banderol

L'histoire des intellectuels français depuis 1945 (1)

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  François Dosse, La saga des intellectuels français,  tome 1 : À l'épreuve de l'histoire (1944-1968) , Gallimard, 2019, 622 p. La figure de l'intellectuel disparaît, et on pourrait dire à l'instar de Michel de Certeau que c'est au moment où la culture populaire disparaît que l'on entreprend de la recenser et de l'historiciser pour faire valoir « toute la beauté du mort. ». (13) « Le structuralisme s'offre comme une lecture privilégiant le signe aux dépens du sens, l'espace aux dépens du temps, l'objet aux dépens du sujet, la relation aux dépens du contenu, la culture aux dépens de la nature. » (14) « La nausée » et « l'étranger » révèlent une philosophie du néant pour le premier et de l'absurde pour le second. C'est la remise en question du mythe du progrès indéfini de l'humanité. (25) Mais le climat de la Libération est radicalement autre. Sartre et Camus se retrouvent alors pour exalter l'existence, la liberté, le

Le Proust norvégien

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Karl Ove Knausgåard, Mon combat. 6 tomes parus entre 2009 et 2012   : La Mort d'un père , 2. Un homme amoureux, 3. Jeune homme, 4. Aux confins du monde, 5. Comme il pleut sur la ville, 6, Fin de combat. Voilà une entreprise exceptionnelle réalisée par un écrivain norvégien et s'inscrivant dans le registre de l'auto-fiction. Tout au long de ces 6 volumes Knausgåard nous restitue en effet tous les âges de sa vie : la petite enfance et la primauté du jeu ; l'adolescence et la construction d'amitiés solides, la recherche de l'amour, la pratique de la musique en groupe, les études, les excès ; l'âge adulte et les doutes au travail, la vie de famille, la question de l'enfantement. Mais le récit est loin d'être linéaire, car l'auteur maîtrise parfaitement la juxtaposition des temp

Le capitalisme travaille les pulsions

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  Benjamin Barber, Comment le capitalisme nous infantilise , Fayard, 2007, 525 p. Idée que le capitalisme avec son ethos infantilisant est en train de s’autodétruire : donc soit il le remplace par une éthique démocratique, promouvant aussi l’égalité et la diversité (à côté du profit et de la consommation), soit il meurt. Infantilisme : abêtissement de ce qui se vend et de ceux qui l’achètent dans une économie mondiale postmoderne qui produit manifestement plus que de nécessaire ; ainsi que l’effort pour transformer les enfants en consommateurs sur un marché où il n’y a jamais assez de clients. (14) = référence à Freud Exemples en pagaille : distribution de sucettes dans les aéroports pour calmer les gens, les infos télévisées confiées à des entreprises de divertissement, la professionnalisation du sport dans les lycées, le port de string par des enfants, les adultes lecteur d’Harry Potter, etc.… (15-16) « D’où le goût nouveau du consommateur pour la vieillesse sans dignité, la ten

Itinéraire d'une tranclasse

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  Annie Ernaux, Les Années , Gallimard-Folio, 2008, 254 p. Il y a un savoir-faire maîtrisé à laisser glisser sa plume sur 50 ans de vie personnelle enchâssée dans la vie sociale. Un regard d'entomologiste sur le temps qui passe et qui s'accompagne de petits et grands changements. « Le progrès était l'horizon des existences. Il signifiait le bien-être, la santé des enfants, les maisons lumineuses et les rues éclairées, le savoir, tout ce qui tournait le dos aux choses noires de la campagne et à la guerre. Il était dans le plastique et le Formica, les antibiotiques et les indemnités de la sécurité sociale, l'eau courante sous l'évier et le tout-à-l'égout, les colonies de vacances, la continuation des études et l'atome. » (45) « Le travail, l'effort et la volonté évaluait les comportements. » (50) Le baccalauréat : « pour la plupart des gens, les examens et les concours qu'on passerait par la suite n'avaient pas autant d'importance, ils trou

Le travail à l'usine

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  Joseph Ponthus, À la ligne : feuillets d'usine , Gallimard, 2020, 266 p. Autofiction de la part d'un homme qui abandonne son métier d'éducateur pour suivre son amoureuse et vivre en Bretagne. Ce qui l'amène à enchaîner les boulots d’intérimaires en usines agroalimentaires. Ce sont ces emplois qui sont ici décrits dans une forme originale : phrases sans point, recherche poétique, phrases courtes, mots qui pèsent aussi lourds que l'existence. On serait tenter de lire vite, alors qu'il faut s'arrêter sur les mots eux-même évocateurs de situations, d'ambiances, de relations, de réflexions, d'états-d'âmes, etc. Il y a un rapport aux autres : les collègues plus évoqués que réellement présents faute de temps pour parler et du coup la solidarité ouvrière n'apparaît pas comme fondamentale. S'y décrit en creux des formes d’individualisation de la peine. La mère : à qui l'on pense, à qui on téléphone, qui souffre elle aussi, d'un canc