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Affichage des articles du mai, 2023

Sociologie du concours

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  Annabelle Allouch, La société du concours. L'empire des classements scolaires , Seuil, 2017, 91 p. La forme concours, incarne le principe d'égale admissibilité aux emplois publics affirmé par la déclaration des droits de l'homme. « Le candidat au concours, tout comme l'électeur dans les décennies suivantes, se présente comme la fiction de l'homo clausus, décrit par Norbert Elias : un individu « nu », « tel qu'en son talent », libéré de la société par son lien avec la République. » Se diffuse ainsi une culture du concours où les distinctions honorifiques ne sont plus le propre de la noblesse, mais sont reconnues comme résultat d'un effort. « La compétition que suscite le concours doit encourager une culture de l'émulation et ainsi développer la production par l'incitation plutôt que par la contrainte. » (23) Il se diffuse dans de nombreuses sphères sociales : comices agricoles, sociétés d'érudits, et peu à peu dans les grandes écoles et le syst

Sociologie de l'idée de mérite

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  Marie Duru-Bella, Le mérite contre la justice , Presses De Sciences Po (epub), 2019, 139 p. Dans les sociétés modernes (comme celle issue de la révolution française), les inégalités sont jugées acceptables si elles découlent des qualités individuelles (talent, effort, etc.) et non de caractéristiques héritées (comme l'origine sociale). Dans les sociétés dites égalitaires, c'est la notion d'égalité des chances qui est prioritaire. Elle est consubstantielle à celle de méritocratie. Celle-ci ne peut exister dans une concurrence faussée. Raymond Boudon : « la démocratie admet l'inégalité des résultats, elle ne saurait entériner l'inégalité des chances. » (cit. 10) C'est donc plus les notions d'équité et d'égalité des chances que celle d'égalité qui prévalent. Chap 1.) Le mérite : justifications psychologiques, justifications sociales Il y a une tendance à faire l'impasse sur le social, et donc à ne considérer que des « individ

L'enfance, un rapport au temps

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  Vincent Delecroix, Leur enfance , Rivages, 2022, 240 p. Contre l'illusion de conserver en soi des strates intactes du passé, sans compter le regard nostalgique ou mélancolique que nous portons sur l'enfance. Le vieillissement ou la maturation n'achève pas l'édification de la personne : « ils construisent d'autres bâtiments simultanément et dans un autre espace qui est pourtant coextensif au premier. Cela ne signifie pas seulement que l'enfance est intacte, là-dessous, et que si nous avons l'impression de ne pouvoir percevoir que des ruines, c'est parce que nous ne pouvons y avoir accès que de manière partielle et compliquée – même lorsque, dans la maladie ou l'extrême vieillesse, on donne l'impression de retomber en enfance, comme si la vie irrésistiblement devait se recourber sur elle-même et coïncider avec son point d'origine. Son temps demeure et continue de s'écouler. Le plus probable est donc que l'enfance n'a pas

Sociologie du mérite

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  Annabelle Allouch, Mérite , Anamosa, 2021, 109 p. La sociologie a étudié cette croyance dans le mérite : 95 %, des enquêté résidant aux États-Unis, indiquent croire dans le fait que la réussite est issue de l'effort au travail. Proportion qui concerne les deux tiers des enquêté pour les pays, comme l'Autriche, la Pologne ou la France. Dans ces représentations, la réussite repose sur la motivation, l'effort scolaire ou le goût de la compétition. « Être désigné comme méritant à l'école incite à croire au mérite. » (27) Une idéologie qui discipline ainsi les esprits et les corps : elle pousse en effet les individus à « s'auto-contraindre en adoptant de nouvelles normes sociales et à se montrer loyaux envers le pouvoir, sans que celui-ci est besoin de mobiliser les formes de contraintes physiques. » (Ihl, cité) Entre autres exemples : les récompenses données sous Napoléon, l'accès à la nationalité, ou à un logement social sont présentes comme pra

Kenzaburo Ôe : Gibier d'élevage

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  Kenzaburo Ôe, Gibier d'élevage, Gallimard (Folio), 2002 (1966), 105 p. (mai 2023) C'est la guerre vue par les yeux des enfants. Des enfants japonais dans un village reculé, assistent à l'enfermement d'un navigateur noir américain, devenu prisonnier, après que son avion s'est écrasé dans les environs. Les habitants le délaissent dans la cave, alors que les enfants, intrigués par cet homme noir à l'odeur repoussante, l'approchent de plus en plus au point de finir par l'intégrer dans la vie du village. Sont oubliées les peurs et restrictions initiales pour désormais contempler la beauté de l'homme. Mais le statut de cet homme ressurgit quand arrive l'ordre de le rapatrier au chef-lieu du canton : il se saisit de l'enfant (narrateur) et instaure un rapport de force en se claquemurant dans la cave. Déconcertés les villageois finissent par délivrer l'enfant et tuer le prisonnier. Tout revient comme avant, si ce n'est qu&#