Témoignages illustrés sur le travail

 


Françoise Pétrovitch, J'ai travaillé mon comptant, Un sourire de toi et j'quitte ma mère, 2005, 202 p. 

 

Un livre original puisque l’auteure peintre-plasticienne, a interviewé une centaine de gens à propos de leur travail, en restitue quelque paroles et surtout illustre cette parole de dessins souvent touchants. On y rencontre des gens de tous milieux : sidérurgiste mineurs (à plusieurs reprises), menuisier, mécanicien, coiffeur, couturière, cordonnier, paysan, boucher, enseignant, commercial ou voyageur de commerce, comme on disait à l'époque puisqu'il faut le préciser, ces gens sont souvent nés dans le premier tiers du XXe siècle. Beaucoup disent l'amour du travail bien fait et la perte de qualité comme ce cordonnier attristé par la qualité du travail d'aujourd'hui : « maintenant, on chausse plus souvent son regard que ses pieds... » (96), ou telle autre qui raconte la bosse du commerce : « je vendrais du vent dans une enveloppe ! » (164) Beaucoup de métiers manuels donc lesquels laissent des traces : tel poissonnier qui n'a plus de sensibilité au bout des doigts, ou d’une ouvrière qui a eu la main coupée.
    Il y a une hiérarchie de la pénibilité des métiers dont on se rend compte quand cet ancien boulanger explique que « boulangerie égale esclavage, dureté » avec 11 ou 12 heures de travail par jour. Mais ajoute-t-il, « y'a pire, c'est pas un travail de mineur ! » Car, dans la mine, on peut descendre jusqu'à 1020 m, et malgré les progrès techniques, ce mineur l'affirme : « envoyer des hommes au fond de la terre pour trouver du charbon, c'est pas humain. » (98) Avec d'ailleurs, une discrimination entre les ouvriers, puisque les Français bénéficiaient de douches avec cabine, alors que les étrangers avaient juste un trou (102).
    On rencontre aussi des enseignants, notamment des instituteurs qui rappellent que les conditions d'enseignement était très différentes avec certaines classes à près de 50 élèves et pas seulement en milieu rural avec la classe unique.
    Les éléments qui ressortent ne sont pas uniquement centrés sur le travail, mais aussi sur les conditions de vie et les conditions de consommation. On y dit par exemple que la possession de voiture parmi les ouvriers était extrêmement rare dans les années 50-60. Ou encore l'absence de congés payés pour l'ouvrier agricole qui est solidaire de sa patronne, au point de devoir la suivre quand elle part en maison de retraite, par devoir moral, dit-il
    Il y a aussi des métiers plus rares comme inspectrice–vol dans les grands magasins : il s'agit d'une femme ceinture marron de judo, qui semble dire que cette compétence était utilisée dans le cadre de son travail. Elle raconte la violence ordinaire à laquelle elle peut être soumise : mordue jusqu'au sang avec la perte d'un doigt, des côtes cassées, la perte d'un œil, etc. Elle raconte aussi l'inattendu comme cette femme de ministre en recherche de sensations fortes qui avait volé un collier. Elle dit aussi sa tolérance pour les personnes nécessiteuses volant de la nourriture.

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