Internet et les transformations cognitives
Nicolas Carr, Internet rend-il bête ? R. Laffont, 2010, 313 p.
4 catégories d’outils (74) :
- la 1er décuple notre force physique, notre dextérité, notre capacité de résistance : aiguille à repriser, charrue, avion de combat.
- la 2e élargit le spectre de notre sensibilité : compteur Geiger, microscope, amplificateur.
- la 3e permet de remodeler la nature pour mieux servir nos besoins : réservoir, pilule, mais transgénique
- la 4e permet de soutenir et étendre nos capacités mentales pour trouver ou classer des informations, formuler articuler des idées, partager des savoirs-faire, prendre des mesures, faire des calculs, augmenter les capacités de notre mémoire : carte, horloge, machine à écrire, calculatrice, sextant, livre, ordinateur…
Pendant des siècles, l’écriture relaie la culture orale, pour diffuser le savoir au sein d’une communauté. Mais progressivement elle devient une démarche de plus en plus personnelle, chaque lecteur se créant lui-même sa propre synthèse. Le sens de l’individualisme se renforce. (cf la lecture silencieuse). (103). « Le fait de lire et d’écrire des livres a renforcé et raffiné l’expérience de la vie et de la nature chez les individus. » (113) Car transmettre par les mots des sensations oblige l’écrivain à bien observer celles-ci.
Gutenberg révolutionne le coût du livre : 1 florin pour un scribe pour recopier en 1 exemplaire, 3 florins pour imprimer 1025 exemplaires (en 1483), p. 105.
Calcul aux USA en 2009 : le temps passé moyen devant tout écran = 8 h, et 143 mn pour la lecture d’imprimés.
Selon une professeure de littérature « toute lecture est multi sensorielle. Il y a un lien crucial entre l’appréhension sensori-motrice de la matérialité d’un écrit et le traitement cognitif du contenu du texte. » (cité p. 133). Autrement dit que le support soit en papier ou un écran, ça joue sur l’acte de lire.
Quand nous sommes sur un ordinateur, nous sommes sans cesse sollicités avec les flux RSS, les mails, twitter, les hyperliens, les publicités, etc. sans compter les applications de l’ordinateur : c’est « un écosystème de technologies d’interruption » dixit Cory Docttorow auteur de SF (cité p. 134).
Cette lecture fragmentée influence désormais la présentation des magazines ou de la télévision.
L’aménagement des bibliothèques montre aussi cette prise de pouvoir, avec les ordinateurs au centre et les livres à la périphérie.
Pourquoi le livre garde des avantages sur l'ordinateur : emporter partout y compris à la plage, au lit, au café, on peut s’asseoir dessus, le poser, le laisser ouvert à une page ; la lecture y est plus facile, mois fatigante, le feuilletage plus aisé, le prêt aussi, le surlignage aussi, la dédicace possible.
Car les concepteurs du livre électronique veulent en faire quelque chose de plus qu’un livre : mettre des liens, des vidéos, etc. Donc ça en transforme la lecture, qui se disperse.
Cette opposition se retrouve dans l’informatique elle-même : quand les fenêtres sont apparues certains y voyaient la source d’un dérangement, un saut de la concentration car on ne se consacrait plus à une seule tâche.
Sur le net la navigation sans se presser ça n’existe pas : environ 20 secondes par page.
Étude de l’impact des nouvelles technologies sur nos compétences : nouvelle force en intelligence visuo-spatiale au détriment d’un traitement en profondeur laquelle sous-tend « l’acquisition intelligente de connaissances, l’analyse inductive, et la pensée, l’imagination et la réflexion critiques. » (cité p. 201) Le net rend plus astucieux, mais c’est tout. Ainsi l’augmentation continue du QI ne traduit que de meilleures aptitudes visuelles, de capacités logiques.
Le cerveau humain ne fonctionne pas comme l’intelligence artificielle : alors que celle-ci enregistre immédiatement l’information dans sa mémoire, le cerveau humain continue de la traiter longtemps après l’avoir reçue. Des nouvelles connexions se font dans le cerveau quand un fait ou un événement enregistré est sollicité. On a cru que le net allait apporter le même soulagement que la calculatrice : au lieu que la mémoire de travail du cerveau soit déchargée de tâches encombrantes pour qu’il puisse se consacrer à des raisonnements plus abstraits, le net accentue la pression sur la mémoire de travail, « non seulement en détournant des ressources qui devraient aller à nos facultés supérieures de raisonnement, mais encore en empêchant de consolider les souvenirs à long terme et d’élaborer des schémas. » (268)
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