Mythes et mythologies politiques
Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris : Le Seuil (Points), 1986.
Définitions (12-18)
Système de croyances cohérent et complet : ensembles structuraux de réelles homogénéités et de constantes spécificités.
Elles s'expriment par le récit qui se réfère au passé « mais qui conservent dans le présent une valeur éminemment explicative. »
Le mythe c'est la mystification, le fantasme, l'illusion, le camouflage. Il contredit les règles du raisonnement logique. C'est « un écran entre la vérité des faits et les exigences de la connaissance. »
Enfin pour Sorel le mythe est un ensemble lié d'images motrices, un stimulateur d'énergie.
Analyse :
Analogie avec le rêve : comme lui c'est une dynamique d'images par association visuelle ; on ne peut lui appliquer l'analyse cartésienne.
Le mythe est polymorphe : on retrouve les mêmes images dans différents mythes ; un mythe peut avoir différentes images = le mythe est ambivalent. En elle-mêmes les images ne donnent pas le sens. Car il existe une syntaxe (Lévi-Strauss) du mythe : séries identiques, associations permanentes : par exemple le sauveur.
L'âge d'or
Opposition entre un présent « décadent, déchéant, triste » et un passé « grand, riche, noble, bonheur ».
Exemple de Sparte, la romantique au moment de la révolution française. Ou encore le Moyen Âge dans l'entre-deux-guerres, après 1968.
Donc : rappels nostalgiques d'événements, volonté de retour ou de perduration, construction mythique : la non histoire : « La nation d'avant une sorte d'absolu libéré de toute dépendance à l'égard de la succession des siècles et des millénaires. » (101)
= Paradis perdu souvent identifié à l'état de nature (cf tourisme, babouvisme, écologisme).
Ce mouvement se fixe autour de deux valeurs :
La pureté des origines
Les anarchistes, Rousseau (l'histoire est décadente), Peguy.
= Dimensions moralisantes, ruralisantes : le contact avec la terre protège l'homme de la dégradation du temps. Condamnation d'une société mercantile : anti-bourgeoisisme.
L'amitié, la solidarité, la communion
Contre l'égoïsme, l'isolement, l'individualisme présents = en vue de plus de sécurité.
= De nouveau le retour ou le maintien de la terre est prônée car on n'y exalte des valeurs communautaires, où le langage est inutile (Jean-Jacques Rousseau). On vit en communauté ou en communion avec les bêtes (cf Racineux).
La fête est aussi un moment privilégié de régénération.
Resserrement de l'espace.
Fixation dans le temps = « Une histoire immobile » (128)
Le moment de la manifestation de cette Histoire : elle est toujours en contradiction/décalage avec l'idéologie dominante (progressiste comme au 18e siècle) = « Modèle de contre-société ». C'est même dans les moments de mutations qu'elle se manifeste le plus : exode rural, industrialisation, économie de marché = 1945, 19e siècle, 18e siècle.
Dans ce refus du présent et ce retour au passé ni a-t-il pas un état de nature, infantile, que l'on veut retrouver ?
Mythe de la conspiration
Discours : le protocole des sages de Sion, le juif errant (Eugène sue), Joseph Balsamo (Alexandre Dumas), racontent tous les trois des complots, juifs, jésuitiques, maçons. Ce dernier développe les thèses de l'abbé Barruel pour qui la révolution est due à la franc-maçonnerie et à la haine à l'égard de la monarchie et de l'Eglise.
Forme exposition : le roman-feuilleton.
Il existe un répertoire des thèmes, des images, des références.
Une identité de structure :
Une organisation secrète : serment du silence ; châtiments si trahison ; instruit à se cacher.
Une organisation cloisonnée hiérarchisée : à chaque échelon une connaissance donnée de l'organisation. Au sommet la totalité.
L'individu massifié.
L'organisation cherche à dominer le monde par la manipulation. Domination par l'accaparement des richesses publiques.
Entreprise de corruption, d'avilissement des moeurs, de désagrégation des tradition morales = l'enfant en est l'objectif privilégié.
Les éléments du récit : réunion des conjurés la nuit, dans l'ombre, habillés de noir, sortants de terre (souterrains ou cryptes ont un rôle essentiel) avec des trappes, des labyrinthes = homme de l'ombre, homme du complot, parti de l'étranger, de l'anti France (juifs, francs-maçons…). Émerge une menace du vagabond, de l'étranger portant avec lui l'épidémie ou la maladie, faisant régner l'insécurité. Il existe aussi un bestiaire du complot qui rampe, s'infiltre, visqueux, infectant : rats, serpents, sangsues, araignées… = réduction à l'animalité : le personnage finit par être identifié avec son masque à figure de bête. Ils font régner des sévices sexuels.
Dénonciation d'un esprit pervers, du malin, de Satan. Ce processus de démonisation et l'écho lointain des procès en sorcellerie : intervention du feu pour retrouver l'harmonie : il est purificateur et rédempteur, il efface les souillures.
Commentaires
Enregistrer un commentaire