Anthropologie des sociétés primitives
Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives, Gallimard, 1976, 420 p.
A propos des sociétés de chasse et de cueillette : leur dénuement laisse supposer une vie aux prises avec de grandes difficultés. Mais la culture nie les contraintes écologiques sans y échapper pour autant, si bien que le système porte à la fois l'empreinte des conditions naturelles et la marque distinctive d'une réponse sociale originale. Et ici la réponse c'est au sein de l'abondance, la pauvreté. « Tôt ou tard (…) un petit nombre de personnes suffit à épuiser les ressources alimentaires disponibles à une distance commode du camp. Dès lors, le groupe ne peut demeurer au même endroit qu'à la condition de choisir entre une augmentation des coûts ou une baisse de rendement : les coûts augmentent si les chasseurs décident d'aller chercher leur nourriture de plus en plus loin, les rendements baissent s'ils se contentent de réserves plus maigres et de nourriture plus aisément accessibles mais de moindre qualité. La solution est évidemment d'aller ailleurs. D'où cette contingence première et décisive des économies de chasse et de cueillette : le mouvement, condition première du maintien de la production à un niveau mondial. » (74)
Donc l'utilité d'un objet décline rapidement en raison de la difficulté de son transport. Et tout est comme ça (vêtement, ustensiles, ornements, et bien sûr habitats : équipement minimum. Pas besoin d’avoir plusieurs exemplaires du même objets. « La pression écologique prend forme singulièrement concrète quand elle s'exerce directement sur vos épaules. « Le produit brut de leur économie est médiocre non pas à cause de la productivité mais celle de la mobilité.
Cela se vérifie aussi avec la démographie : se débarrasser de ce qui n'est pas indispensable : suppression des vieillards, infanticide, abstinence sexuelle. « Une politique démographique draconienne et une économie ascétique sont l'expression d'une seule et même écologie. » (75)
Le néolithique n'a fait aucun progrès par rapport au paléolithique en terme de productivité alimentaire. Et même avec l'agriculture ils ont travaillé davantage. « La quantité de travail (par personne) croît avec l'évolution cependant que décroît corrélativement la quantité de loisir. » (77)
Les peuples les plus primitifs au monde ne sont pas pauvres, car la pauvreté consiste en une relation entre personnes, un statut social, et non pas une relation aux biens. (80)
Le mode de production domestique repose sur :
une sous-utilisation des ressources naturelles.
Le sous-emploi de la main d’œuvre : économie aux objectifs limités encadrés par des normes culturelles plutôt que physiques (107)
L'échec domestique : variation de la production selon les saisons. Ce sont les relations familiales qui décident de la production. Donc ce mode de production domestiques (MDP) = division sexuelle du travail, mais division peu élaborée, l'individu peut mener à bien sa tâche. Et l'amélioration de la production dépend plus du savoir-faire des hommes que des outils. De toute façon le MDP est hostile à la formation de surplus. Chaque maisonnée est autocentrée, mais entre elles elles sont éloignées et ne coopèrent pas. Le MDP est donc discontinu dans le temps et dans l'espace.
En cas d'éléments extérieurs fort (ex ouragan) le repli sur la maisonnée est automatique : la solidarité se fait à ce niveau. Or le MDP ne peut fonctionner que dans un réseau de parenté élargi. Donc toute l'évolution sociale du monde primitif vise à soustraire l'économie de la structure de parenté et des obligations de solidarité pour l’assujettir à la structure politique. Au fur et à mesure de sa constitution cette structure s'étend et concentre dans les mains des chefs l'économie. Mais le chef exprime ainsi un principe qui va du privé vers le public, une finalité collective, minant l'autonomie et l'anarchie de la production domestique, et décuplant la production. (179)
Voir le don : p. 220
Sociologie de l'échange primitif : 3 formes :
la réciprocité généralisée = le pôle de solidarité ;
la réciprocité équilibrée = le moyen terme ;
la réciprocité négative = la non-sociabilité limite.
L'écart social entre les parties conditionne le mode d'échange : entre proches parents la réciprocité tend vers le pôle généralisé, et tend vers l'autre pôle au fur et à mesure que s'accuse l’écart généalogique.
Dans l'évolution des société humaines on passe de la réciprocité à la redistribution via le chef. (265)
La nature de ce qui est échangé importe : ainsi la nourriture qui a une « connotation d'urgence » (273) symbolise le foyer, la maison, la mère.
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