Histoire de Deep Purple
Martin Popoff, Deep Purple, la bataille fait rage, 1983-2009, Camion Blanc, 2019, 470 p.
Gillan : « Nous ne nous fréquentions pas. Nous vivons des existences différentes, nous sommes à une troupe de personnages très hétérogènes. Si vous décidez de réunir cinq types dans un groupe, c'est pas nous que vous choisiriez ! Mais il y a toujours eu une étrange chimie à l'œuvre quand nous prenons la route ou quand nous entrons en studio. » (11)
Lord : « il y a cette énergie en chacun de nous, quand nous nous retrouvons. Quand je me mets à faire la course avec Ritchie, nous nous exhortons à l'excellence. Chacun de nous en ressens le besoin, et se voit entouré dans Purple par des musiciens qui vont nourrir ses aspirations personnelles. »
Perfect Strangers est le premier album, enregistré aux USA
Glover : « on conserve des riff en stock. Un de ceux utilisés dans l'album Perfect Strangers datait de Rainbow. Quand on n’arrive plus à écrire quelque chose de satisfaisant par-dessus, on garde pour plus tard.
Blackmore : « Perfect Strangers s'inspire de Gates of Babylon (Rainbow). Encore un solo à la turque. J'ai toujours été intrigué par les gammes turques, égyptiennes, les gammes marocaines. Et j'ai toujours été branché par l’arpeggio classique à la Vivaldi. Alors quand est venu le moment de faire un solo, je n'étais pas tant préoccupé que ça par le blues. J'apprécie le jeu bluesy de certaines personnes mais j'aimais bien aussi la musique classique. » (37)
Glover : « je n'apprécie pas les spectacles millimétrés, où les musiciens se déplacent simultanément à un endroit précis, avec des éclairages précis, c'est trop calculé. Ce n'est pas autre chose que du cabaret. Ce n'est pas de la musique sur le vif. J'estime que le rock'n'roll est une musique à prendre sur le vif. Ça vit, et ça respire quand on le joue et il est sujet aux changements. C'est ce que nous nous efforçons de faire, ne pas jouer comme des machines. » (46)
Paice : « nous avons connu beaucoup de succès avec ce son, et en sommes très heureux. Le concept d'en changer au nom de la sacro-sainte expérimentation nous paraît idiot. Nul ne sonne comme Deep Purple, quoique beaucoup aient essayé. Nous détenons quelque chose d'unique de spécial, pourquoi ne pas s'y tenir ? » (54)
La tournée de Perfect Strangers est arrivée deuxième en terme de vente de places de concert juste derrière Bruce Springsteen.
D'après Stuart Smith, quelqu’un extérieur au groupe, « Deep Purple portait en elle les germes de sa propre destruction. Chacun était brillant dans son domaine, ils éclipsaient, musicalement, parlant, et de loin, les autres musiciens de l'époque qui pourtant jouissaient d'une plus haute estime. Je les ai entendu faire des choses, certains soirs qui étaient juste stupéfiantes. » (68)
John Lord, tend à reconnaître qu'il y avait bien une intrigue secondaire, au sein du quintette, à savoir Ritchie et lui-même, rivaux musicaux. « Quand on a débuté, nous étions tous les deux fort jeunes, nous voulions tous les deux avoir la main, et la musique était notre champ de bataille. Parfois, il m'est arrivé d'avoir la sensation d'être en guerre, surtout sur scène. Certaines fois, quand je ressortait d'un combat, mon pouls battait si vite, que je pensais : fini, par Purple ! Ce qui est probablement, la raison pour laquelle j'écoute toujours de la musique classique, et rien d'autre dans ma loge, après chaque concert.(Beethoven, Schubert, Tchaïkovski, Mozart, mais aussi Miles Davis, Led Zeppelin, les Eagles). Ritchie au moins éprouve une grande amitié pour la musique classique. Cependant, une fois sur scène, il sait comment dissimuler cet aspect de sa personnalité. Sur scène, le slogan est toujours, quel feu brûle le mieux le soir, le tien ou le mien ? » (70)
Stuart Smith : « ce qui rendait Deep Purple, si palpitant, cette pression, cette tension, quand vous ne saviez jamais ce qui allait se passer pendant la nuit. C'est palpable. Et je ne pense pas que les fans suspectaient quoi que ce soit entre Ritchie et Ian. » (72) « Strange Kind of Woman atteint ce niveau de dialogue musical, à cinq, vivant, jazzy, d'où les Purples tirent leur orgueil, facteur déterminant, quand il s'agit de les différencier, des besogneux du heavy metal de base. » (73)
À l'époque, « Deep Purple jouait dans des endroits où même Led Zeppelin et les Rolling Stones n'allaient pas. Peu nombreux sont les groupes à accomplir vraiment le tour du monde. Toutes les salles était bondées. » (84)
John Lord : « dans Purple, nous avons toujours observé des règles équitables et précises. Ce n'est pas comme dans d'autres groupes, où tout le monde se bat pour la plus grosse part. Nous essayons vraiment de nous traiter justement les uns les autres. J'ai toujours considéré plus difficile d'écrire pour Deep Purple que pour moi-même. Ça n'a pas d'importance de calculer la place exacte de l'orgue dans Deep Purple depuis les premiers jours jusqu'à aujourd’hui – la guitare est le centre de Deep Purple. Je sais comment fonctionne une guitare, je sais gratter quelques accords, mais bien sûr il m’est plus facile de composer sur le clavier. Deux ou trois morceaux de In rock, et Machine Head ont été créés sur le Hammond, mais la plus grosse partie provient des idées que Ritchie a développées sur sa guitare, et à compter de ça on devisait pour savoir comment y intégrer le Hammond. Parce qu'il est évident que le Hammond a toujours été un élément essentiel au son de Deep Purple depuis toujours. Je crois que nous sommes le seul groupe de rock à avoir toujours travaillé avec un Hammond. Il y a toujours eu ces trois éléments : la voix de Gillan, la guitare de Ritchie et l’orgue. » (128)
Ce son original de John Lord est effectué avec B–3 qui passe dans les ampli Marshall. Les gens essaient de le copier. Ils font passer un orgue travers les Marshall pour l’imiter, mais personne n'obtient ce même sens. (143) « J'adore ce bruit de meule qu'il sort de ses touches, se rappelle le claviériste de Santana et Journey. Greg Jolie. » (146) Un instrument qui pèse entre 115 et 130 kgs.
John Lord, joue du Hammond et du clavinet, glisse Peter Hamill de Van Der Graaf, Générator, se souvenant d'un concert d’il y a fort longtemps. Il n'est pas vraiment un organiste. Il est évident qu'il souhaitait être le gars au Hammond, qui est le top du top en matière de clavier sorti à l'époque. Je ne vois pas du tout comme un musicien au jeu très structurel comme on pourrait le dire de Hugh Banton dans notre groupe. Si on parle d’organistes de cette époque, on irait plutôt voir du côté de Emerson, Brian Auger, Zoot Money. Emerson et Auger sont les caïds, selon moi, et Georgie Fame, sur une toute autre période. Et Graham Bond était le roi, plus Vincent Crane. Eux étaient des organistes. Tandis que John Lord est plus un claviériste d'après moi. Reste qu'on était impressionnés par Purple, je dois dire. Ils ne jouaient pas si fort, mais de toute façon les autres groupes non plus. Ils ont fait sensation. » (147)
Blackmore adorait la guitare. Il fut un temps où il a délaissé la guitare pour s'adonner au violoncelle. Un peu comme George Harrison qui s'était investi dans le sitar quelques temps. En outre, Ritchie a toujours adoré les vieux instruments, les petites guitares, les mandolines. Il reste quand même un des meilleurs guitaristes au monde. (159)
Quand Joe Satriani le remplace au cours de la tournée, il est âgé de 36 ans et pratiquement le plus accompli des guitares héros instrumentaux de l'histoire. (Steve Vai aurait sans doute son mot à dire sur le sujet, et peut-être même Jeff Beck). (161)
La parution de l'album Purpendicular, montre que Deep Purple est capable de se renouveler : fini, le titre blues réglementaire, fini le morceau rapide qui s'enchaîne avec un titre accrocheur et commercial, finie, l'exposition, des vitrines de Lord et Ritchie, et finie la bienséance d'une gravité calculée. » (165)
Steve Morse à propos de Highway Star, ou Wring that neck : « ça fait comme un rapide Shuffle, quand c'est sorti, Jon avait une approche musique classique du solo, mais c'était tellement évident avec un dispositif rock 'n' roll si franc du collier. Jon sait vraiment comment donner de la voix à son clavier et le faire chanter avec la guitare, et j'aimais beaucoup ça. Quant à Ritchie, je crois qu'il utilisait une association de vibrato et une sacrée technique de la main gauche pour sortir un son très agressif, ce qui était à l'époque inédit. Et l'art du cri de Ian, si haut perché. » (172)
Sur cet album, proposition de Steve avec the aviator : « je voulais que Deep Purple étende davantage ses ramifications comme Led Zeppelin. Jimmy Page tendait toujours les bras à d'étranges racines folk, à des choses acoustiques, en jouant de la steel guitare et d'autres choses. J'ai pensé que Deep Purple pourrait aller vers ça et l'amplifier. » (179) Il ajoute : « si on en arrive au stade où quelqu'un apporte une chanson clé en main, ça ne sonnera pas des masses comme du Deep Purple. »
Pourtant, « ce fécond développement créatif ne pesait pour autant pas beaucoup dans un monde se désintéressant des vieux dinosaures comme du hard rock traditionnel. Les guitares restaient présentes et très vives dans l'industrie de la musique, mais le post-grunge, le rock indie et le hard alternatif se tournaient plus vers l'intensité bouillonnante du punk, que vers la délicate interaction entre les claviers, une six-cordes et un harmonica. Perpendicular monta à la 58e place des chartes, Royaume-Uni, et rata complètement le top. 200 aux USA. » (182)
À propos des textes, Ian Gillan s'explique : d'abord il y a mon langage. La première des responsabilités en matière de parole, et là je remonte le temps jusqu'en 1963 quand j'ai rencontré Roger, c'est de bien faire sonner les mots. Nous parlons de la valeur mélodique des mots. Vous pouvez chanter des conneries insensées à condition que ça sonne bien. Ce n'est qu'alors que vous pouvez-vous amuser en tant que parolier. Vous pouvez travailler sur deux ou trois niveau de compréhension ; vous pouvez amener les gens à apprécier plusieurs histoires en une qu'ils voient où ça les entraîne. Mais toutes ces chansons partent du cœur. » (201)
Le temps de travail en studio est un temps extensif. Chaque musicien aime essayer et réessayer des choses (changer d'instrument, changer de tonalité…). Par exemple Roger Glover esssaie une nouvelle basse, Ian Paice teste une cymbale différente. Cela frappe Steve qui voit que chacun aime prendre le temps d'expérimenter. (202)
Ian Gillan : « c'était un background très varié. La culture de Jon Lord est classique. Il a étudié la composition musicale au college of music de Londres. Il a grandi en écoutant Jimmy Smith, et le jazz a une grande influence sur lui. Ian Paice s'était inscrit à l'école de musique Buddy Rich, donc l'héritage qu'il apporte au groupe, c'est le big-band, le swing. Roger Glover est branché par tout ce qui est folk. J'ai passé ma jeunesse sur du Elvis Presley, puis j'ai évolué vers les rockers comme Fats Domino et Ella Fitzgerald. Je suis tombé dans le jazz, et en outre, j'ai vécu un épisode étonnant comme choriste à l'église, et mon grand-père était chanteur d'opéra. Ritchie apportait son rock'n'roll anglais qui prévalait chez les gratteux d'Angleterre. Steve nous donne de ses racines de rock sudistes plus son éducation, jazzy et classique. » (204)
Il y a eu des dissension avec les maisons de disques. Après qu'ils aient sorti l'album in rock, et qu'ils sont venus avec Fireball, ils étaient déconcertés car ça ne ressemblait pas à l'album d'avant, ils auraient voulu refaire un disque à l'identique. Sinon les gens de l'achèteraient pas. « Mais c'était une transition, une rampe vers Machine Head. Les compagnies de disques n'ont pas la moindre conception de ce qu'est un processus créatif. Ils veulent que tout se ressemble pour pouvoir vendre leurs galettes. Quand les ventes s'effondrent, ils vous laissent tomber. C'était comme ça, ça l'est encore, ça le restera toujours. Nous avons décidé il y a longtemps que nous serions expressif. Comme tout le monde, notre humeur change d'un jour à l'autre. » (Ian Gillan.) (206)
À propos du Concerto, écrit en 1969, Jon, Lord dit que « c'est une tentative sincère d'écrire quelque chose pour deux forces en opposition, pour voir s'il avait un moyen de leur trouver un terrain d'entente. C'était une expérience intimidante parce que rien n'avait encore été fait en ce sens auparavant, et on y repensant aujourd'hui, nous devions être complètement fous de croire que ce serait possible. » (225)
Une des questions qui se posent en studio est de savoir s'il faut utiliser un métronome. Parfois, son emploi est justifié dit Roger Glover « et d'autres fois c'est mieux de ne pas rechercher à savoir où va le rythme. S'il accélère ou ralentit. Quand la musique est bonne, on s'en fiche un peu de savoir si ça s'emporte ou si ça freine parce que l'émotion est la bonne. Et dans une certaine mesure, une petite baisse de régime ou un petit coup d'accélérateur est nécessaire à la dynamique du morceau. Quelques fois c'est super d'avoir un refrain qui s'emballe à fond et qui rebaisse d'un cran quand revient le couplet. Psychologiquement, c'est très agréable. Ce n'est pas correct, mais c'est agréable. Les batteurs en particulier, vitupèrent contre ça, parce que le métronome, c'est eux. » (249)
Ian Paice : « Personne n'est taillé pour être batteur. Les gens deviennent batteur parce qu'ils aiment vraiment ça. Au contraire, des violoniste ou des pianistes – ça peut leur être imposé par les parents (rire). La profession actuellement se porte bien. Hélas, on vit une époque où les musiciens privilégient la technique plutôt que le swing, et je trouve ça un peu débile. N'interprétez pas mal mes propos. Je peux être épaté par les jeunes d'aujourd'hui, les techniques qu'ils ont développées. C'est purement phénoménal. Mais est-ce que ça passe la barre du public et est-ce qu'ils parviennent à transmettre et communiquer quelque chose, ça je me le demande. Je préfère voir un type taper du pied en rythme parce qu'il apprécie ce qu'il entend, plutôt qu'assis bouche bée, parce qu'il est impressionné par la seule dextérité d'un musicien. Je ne dis pas que c'est mal d'être dans la virtuosité, je ne dis pas non plus que c'est bien, mais c'est comme ça que je fonctionne, moi et c'est très bien comme ça. » (299) « Si vous jouez à l'instinct, sans y penser, alors chaque soir, dans une certaine mesure, il y aura un peu de surprise pour vous comme pour le public. Je n'ai pas la capacité musicale de restituer exactement la même chose à chaque interprétation et de le mettre en scène de la façon dont certains musicien savent le faire. Je ne fonctionne pas comme ça. Ça démarre, je commence à jouer, et ce qui doit arriver arrive. Je détesterais qu'on m'enlève ça. » (300)
Don Airey : « Il n'y a pas de clavier plus difficile à jouer que l'orgue Hammond, vous passez des années à tenter de le comprendre, c'est une œuvre d'art à lui seul et vous n'en venez jamais à bout. Il peut entrer en compétition avec la guitare en terme de son. Celui de Deep Purple a une histoire, il appartenait avant lui à Christine McVie de Fleetwood Mac. Il est sur la route depuis 1967. » (304)
Ian Gillan : « nous sommes nés en Angleterre, au lendemain de la guerre. Rien ne nous avait préparé, ni à l'adulation, ni à l'argent. N'étions pas prêts à interagir socialement, selon ce qui était attendu de nous ; on s'est comporté comme des enfoirés. Nous étions des nouveau-nés, en un sens. Nous n'avions aucune expérience préalable nous aidant à réagir à la gloire. Quand vous avez entre 18 et 20 ans, et que vous vous retrouvez dans cette posture, sans rien comprendre, à ce qui pourrait vous arriver, et avec un manque criant de bons conseils… Les managers se fichaient comme d'une guigne du bien-être individuel de ceux qui bossaient pour eux. Ils nous considéraient comme des pros aguerri alors que nous n'étions que des gosses. Le temps était loin derrière nous où nous écoutions parents et amis proches. Nous entrions dans un monde fastueux où tout d'un coup, nos petites amis ont été abandonnées sur le trottoir. On se contentait de tourner la tête en demandant « qui es-tu ? » Et une nana répondait, « je suis ta nouvelle copine ». « Jolis nichons. » Vous aviez des paquets de thunes, des limousines et de chouettes quatre-étoiles. Je n'avais jamais passé le moindre nuit à l'hôtel de ma vie. Je n'avais jamais mis les pieds dans un restaurant. C'était un choc culturel total et j'avais l’attitude d'un enculé. Je crois que ça a été difficile à gérer pour nous tous. Nous n'avions plus que nos ego, lesquels se retrouvaient surdimensionnés. Je crois qu'il nous a fallu plusieurs années avant de redescendre et ça s'est passé pour chacun d'une manière différente. » (310)
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