Sociologie du mérite
Annabelle Allouch, Mérite, Anamosa, 2021, 109 p.
La sociologie a étudié cette croyance dans le mérite : 95 %, des enquêté résidant aux États-Unis, indiquent croire dans le fait que la réussite est issue de l'effort au travail. Proportion qui concerne les deux tiers des enquêté pour les pays, comme l'Autriche, la Pologne ou la France. Dans ces représentations, la réussite repose sur la motivation, l'effort scolaire ou le goût de la compétition. « Être désigné comme méritant à l'école incite à croire au mérite. » (27)
Une idéologie qui discipline ainsi les esprits et les corps : elle pousse en effet les individus à « s'auto-contraindre en adoptant de nouvelles normes sociales et à se montrer loyaux envers le pouvoir, sans que celui-ci est besoin de mobiliser les formes de contraintes physiques. » (Ihl, cité) Entre autres exemples : les récompenses données sous Napoléon, l'accès à la nationalité, ou à un logement social sont présentes comme pratiques méritocratiques.
« Le jugement méritocratique se réclame d'une rationalité, d'une objectivité, incarnées par un ensemble de procédures, très codifiées, qui doivent faire valoir son caractère démocratique. » (51) Délibérations collectives, examens, oraux, jurys, concours, etc.
Ce système repose sur un individualisme forcené : « les individus deviennent propriétaires de leurs talents et de leurs efforts, et tous les éléments liés au social (les moyens mis en œuvre pour atteindre un objectif), que l'on sait si déterminants dans la réussite scolaire sont invisibilisés. À l'école comme ailleurs, il s'agit de faire la démonstration de l'usage optimal de ses émotions négatives, ou bien de ses capacités à faire fi des obstacles sociaux, économiques, géographique afin de renverser la situation. » (63) En lieu et place du vocabulaire de l'émancipation sociale issu des idéologies social-démocrates apparaît celui de la réalisation de soi. Et l'école devient le vecteur principal de cette réalisation. « Si seul, le diplôme ou un certain type d'attitudes ou de capacités scolairement certifiées (la motivation, la mobilité, la flexibilité, etc.) organisent notre monde, alors même que l'accès au diplôme s'avère fortement inégalitaire, on désigne d'avance ceux qui n'en sont pas pourvus pour des raisons structurelles, comme « un groupe moralement inférieur » qui s'opposerait à des élites qui s'imposeraient comme supérieures en compétences et en morale. » (76) La présidence Obama, après celle de Clinton, incarne, cet esprit technocratique et méritocratique caractérisé par quatre éléments : « l'imposition de la globalisation marchande comme norme ; le marché comme un mode de régulation de la société capable d'atteindre un bien commun ; une réduction des problèmes liés à l'intérêt général à des questions d'expertise techniques, qui éloigne le mérite de la moralité ; et la croyance toute puissante dans la détention d'un diplôme du supérieur comme signal de la valeur personnelle. » (79)
Dans ce processus l'institution scolaire fonctionne à l'affect, dont le mérite est un des principaux vecteurs. « Car, le mérite en actes, tel qu'il adoube, reconnaît, certifie et publicise la valeur d'un individu, produit des affects, par lesquels se voient gouverner les trajectoires sociales et les orientations scolaires, qui demeurent ainsi marquées du sceau de la honte sociale, de la fierté, de l'humiliation ou encore de l'angoisse, selon les configurations historiques, institutionnelles et sociales, dans lesquelles nous nous inscrivons. » (89) « Malgré la faiblesse de son existence statistique, le mérites tire sa force sociale de son efficacité émotionnelle. » (89)
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