François-Henri Désérable : Un certain M. Piekielny

 

François-Henri Désérable, Un certain M. Piekielny, Gallimard, 2017, 300 p. (epub)

Il s’agit aussi d’une auto-fiction sous la forme d’une enquête à propos de ce personnage surgissant dans La promesse de l’aube de Romain Gary, livre qui se voulait une sorte d’autobiographie en forme d’hommage à la mère de l’écrivain. Celui-ci aurait juré de prononcer à chaque fois que c’était possible le nom de Piekielny afin qu’« on » ne l’oublie pas, car il était mort à Auschwitz. S’ensuit une sorte de va-et-vient entre la vie de l’auteur et son enquête, écrite un peu « à la manière de », avec ici aussi un récit volontairement désarticulé du point de vue chronologique, et ici aussi quelque trait d’humour comme ce récit de l’entrevue de Gary avec Kennedy et sa femme Jackie. Celle-ci souffle le nom d'Albert Camus, que le président recherchait, et elle ajoute : « merci qui ? Merci Jacky. Et Michel, continue Gary, Michel Gallimard, le neveu de Gaston, c'est lui qui tenait le volant. » Mais cette insistance à vouloir déjouer les « mensonges » de Gary (par exemple sa mère n’était pas morte alors qu’il était sur le front et n’avait donc pas écrit de lettres par anticipation) finit par en fabriquer une image un peu gênante : « Gary parlait surtout de lui », n’hésitait pas à entamer ses livres par 50 pages ennuyeuses « pour décourager les cons », etc. Et surtout ce Piekielny n’aurait pas existé… On pourrait donc penser à un procès à charge si, au final, il accordait (avec Boris Vian) tous les droits à l’écrivain : « cette scène est vraie puisque je l’ai inventée. » Plus fondamentalement, ce gimmick à vouloir sans cesse placer le nom de Piekielny ne relève t-il pas d’un devoir de mémoire : « Et si ce monsieur Piekielny incarnait les juifs de Wilmo massacrés pendant la guerre ? Et si prononcer son nom, c'était sauver les morts, à défaut d'avoir pu sauver les vivants. »