Les conditions juridiques de la liberté d'expression
Thomas Hochmann, "On ne peut plus rien dire..." Liberté d'expression : le grand détournement, Anamosa, 2025, 72 p.
La liberté d'expression s'inscrit dans un processus de communication au sein duquel existe « une certaine dose de dissuasion, d'autocensure », et qui voit « le triomphe de certaines idées sur d'autres qui deviennent difficilement exprimables. » (12) Il faut donc que les protagonistes de la discussion admettent ce préalable, celui d'être contredit. Mais des condamnations judiciaires peuvent être légitimes quand on s'en prend à la totalité d'un groupe et qu'on assimile par exemple les musulmans à des terroristes. En effet, les tribunaux condamnent des expressions contenant un appel ou une exhortation à la haine, la violence ou la discrimination et il s'agit donc de voir si les formulations litigieuses peuvent être interprétées par l'auditeur dans ce sens. Cela peut être subtil par exemple quand Pierre Péan pointe « la culture du mensonge et de la dissimulation chez les Tutsi », même outrancier ce propos ne peut faire l'objet d'une condamnation car il ne contient aucun appel à la discrimination, à la haine ou à la violence (rendu du tribunal de 2011). Pourtant, lorsque trois policiers effectuèrent des saluts nazis en hurlant à Hitler et White Power dans un café, il furent condamnés car la Cour estima que ces propos tendaient à susciter un sentiment de rejet, de haine ou de violence, exprimaient des idées, racistes, même s'ils n'invitaient pas directement à la violence.
Cette conception est une conception européenne qui n'est pas partagée par la vision des États-Unis qui assure le libre marché des idées, stipulant qu'il est préférable de laisser toutes les idées en compétition, plutôt que de faire confiance aux pouvoirs publics pour distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais. La cour européenne dit en effet que dans les sociétés démocratiques, on peut juger nécessaire de sanctionner, voir de prévenir toutes les formes d'expression qui propagent, encourage, promeuvent, ou justifient la haine fondée sur l'intolérance. Elle défend aussi une vérité factuelle, car comme le souligne la cour constitutionnelle allemande, « une information inexacte n'est pas, du point de vue de la liberté, d'expression un bien digne de protection, car elle ne peut pas servir la tâche, posée comme condition par le droit constitutionnel de la formation pertinente d'opinions. » (cité page 50)

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