Colette : Claudine à Paris

 


Colette, Claudine à Paris, Albin Michel-Livre de Poche, 1989 (1901), 250 p. 

Ce n'est sans doute pas l'histoire qui attache le lecteur à ce récit. En effet, il se passe peu de choses dans la vie de Claudine, qu’elle narre à la première personne. Mais l'idée est sans doute de décrire de l'intérieur, les états d'âme d'une jeune fille (17 ans) qui vit seule avec son père et qui a quitté la province pour se retrouver dans la capitale, abandonnant ses amies avec lesquelles elle nourrit une correspondance. Les états d'âme sont restitués au moyen du langage intérieur, mais aussi de dialogues mixant une sorte de gouaillerie ou de langage, canaille empruntant au langage populaire et au patois, avec le style étudié ou classique, celui-ci intervenant plus souvent dans les descriptions. Ce qui peut frapper le lecteur, c'est précisément cette écriture bondissante avec un côté suranné de bourgeois déglingués avec des tournures inhabituelles. « Les idées en salade, je l'accompagne en la regardant de côté. » ou, « attends que je te raconte. Il faut que je te prenne du commencement. » (147) Il y a une sorte de fausse candeur chez Claudine, qui sort tout juste de l'enfance et joue aux adultes en tombant amoureuse d'un vieux cousin et oncle à la fois, où se côtoient le burlesque et un côté un peu plus noir, lequel n'est pas sans rappeler le Zola de Nana quand Luce, son amie de toujours arrivée à Paris, joue aux cocottes auprès d'un homme âgé. C'est ce dédoublement de la personnalité propre à l'adolescence, que l'auteur nous fait ressentir : « la folle Claudine, rejointe – il est bien temps – par la sage Claudine dans son lit bateau. Mais la Claudine sage s'efface timidement, admirative et respectueuse, devant, l'autre, qui est allée droit où le destin la poussait, sans se retourner, comme une conquérante ou une condamnée. » (226) Sous donc des abords légers, les affects décrits sont chargés et profonds.

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