Itinéraire d'une tranclasse
Annie Ernaux, Les Années, Gallimard-Folio, 2008, 254 p.
Il y a un savoir-faire maîtrisé à laisser glisser sa plume sur 50 ans de vie personnelle enchâssée dans la vie sociale. Un regard d'entomologiste sur le temps qui passe et qui s'accompagne de petits et grands changements.
« Le progrès était l'horizon des existences. Il signifiait le bien-être, la santé des enfants, les maisons lumineuses et les rues éclairées, le savoir, tout ce qui tournait le dos aux choses noires de la campagne et à la guerre. Il était dans le plastique et le Formica, les antibiotiques et les indemnités de la sécurité sociale, l'eau courante sous l'évier et le tout-à-l'égout, les colonies de vacances, la continuation des études et l'atome. » (45)
« Le travail, l'effort et la volonté évaluait les comportements. » (50)
Le baccalauréat : « pour la plupart des gens, les examens et les concours qu'on passerait par la suite n'avaient pas autant d'importance, ils trouvaient seulement beau d'aller jusque-là. » (73)
«Elle ne pense pas non plus avoir rien de commun maintenant avec le monde ouvrier de son enfance, le petit commerce de ses parents. Elle est passée de l'autre côté mais ne saurait dire de quoi, derrière elle sa vie est constituée d'images sans lien. Elle ne se sent nulle part, seulement dans le savoir et la littérature. » (90)
« Le discours du plaisir gagnait tout. Il fallait jouir en lisant, écrivant, prenant son bain, déféquant. C'était la finalité des activités humaines. » (115)
« Parents et les plus de 50 ans était d'un autre temps. (…) On ne vieillirait pas. » (123)
« on passait au lecteur de DVD, à l'appareil photo numérique, au baladeur MP3, à l'ADSL, à l'écran plat, on arrêtait pas de passer. Ne plus passer, c'était accepter de vieillir. » (230)
« Cette forme susceptible de contenir sa vie, elle a renoncé à la déduire de la sensation qu'elle éprouve... » (249 sq)
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