L'histoire des intellectuels français depuis 1945 (2)
François
Dosse, La saga des intellectuels français, tome 2 :
L’avenir en miettes (1968-1989), Gallimard, 2019, 702 p.
Michel Foucault fait la critique de l'anti Œdipe et il voit trois types d'adversaire : les professionnels de la révolution qui professent l'ascétisme pour faire triompher la vérité ; les techniciens du désir que sont les psychanalystes et sémiologues qui traquent sous les signes les symptômes ; et le fascisme, non seulement comme type de régime politique, mais comme ce qui couve en chacun de nous. Pour se prémunir de ce fascisme, Michel Foucault met en garde contre les attraits du pouvoir qui implique de résister à toute forme de renfermement unitaire, de favoriser l'action, la pensée et le désir en les faisant proliférer, et de s'affranchir de la catégorie du négatif. C'est donc un guide de nature à modifier la vie quotidienne de chacun. (170)
Lors des manifestations féministes au début des années 70, les femmes arborent des banderoles du type « un homme sur deux est une femme ». Un des policiers présents demande à une des manifestantes : « vous pensez vraiment vous qui êtes américaine qu'ici en France un homme sur deux n'est pas viril ? » (186)
Le retournement de conjoncture de 1974. Le rapport du club de Rome en 1972 remet radicalement en question les vertus de la croissance, le mythe du progrès indéfini des forces productives et le rêve de la maîtrise prométhéenne des ressources mondiales. À l'origine on trouve un club de réflexion internationale regroupant scientifiques, économistes, industriels et hauts fonctionnaires de 52 pays qui se réunissent pour la première fois le 8 avril 68 à Rome. (348)
Dans le même temps les sociologues Danièle Léger et Bertrand Hervieux conduisent des enquêtes auprès des néoruraux produisant un discours de déploration sur l'avenir de la civilisation urbaine et industrielle qu'ils veulent fuir pour tenter autre chose. Ils disent que tout va craquer et que la terre est devenue invivable, que l'on court au désastre. (349)
André Gorz à propos des nouvelles technologies : « il existe des technologies–verrous qui interdisent un usage convivial, et des technologies–carrefour (par exemple les télécommunications, les ordinateurs, les cellules photovoltaïques) qui peuvent être utilisées de manière conviviale aussi bien qu'à des fins de domination. Il n'y a donc de déterminisme technologique que négatif. » (1990, cité p. 363) À la suite de Ivan Illitch, il oppose les technologies : sont ouvertes celles qui favorisent la communication, la coopération, l'interaction, comme le téléphone ou actuellement les réseaux et logiciels libres.
André Gorz appelle à se méfier d'une posture écologiste éloignée de son substrat social : « si tu pars, en revanche, de l'impératif écologique, tu peux aussi bien arriver à un anticapitalisme radical qu'à un pétainisme vert, un écofascisme ou un communautarisme naturaliste. L'écologie n'a toute sa charge critique et éthique que si les dévastations de la terre, la destruction des bases naturelles de la vie sont comprises comme les conséquence d'un mode de production. » (cité p. 364)
Dans les années 80 émerge la thématique du post. Au XIXe siècle la vogue a été avec tous les suffixes en isme : nihilisme, positivisme, déterminisme, monisme, pluralisme, libéralisme, socialisme, communisme, impérialisme, etc.
Il existe donc une relation forte entre l'individualisation de la vie intellectuelle et la disparition progressive de l'usage du suffixe isme auquel on substitue de plus en plus le préfixe post qui « « atteste ainsi un nouveau rapport à l'historicité, une prévalence de la dimension pragmatique et le renoncement aux grandes ambitions de rupture avec le passé. » (407)
Cette absence de dessein historique est notamment visible avec la guerre du Golfe que Baudrillard qualifie de non guerre (« la guerre du Golfe n'a pas eu lieu »). « On aurait eu le goût de la guerre, le flacon de la guerre, l'aphrodisiaque de la guerre communiqué par des médias devenus le préalable à tout orgasme événementiel, mais pas la guerre. Avec cette thèse on est confronté aux symptômes les plus graves de la crise du futur qui, loin de se replier sur le présent, en vient à en nier l'existence pour ne voir que du virtuel. On sait qu'aujourd'hui cette pathologie fait des ravages sur la toile, où on ne cesse de dénoncer tel ou tel complot et de nier les vérités historiquement établies au prétexte qu'elles auraient été fabriquées. » (418)
Dans les années 80 émergent aussi des discours critiques à propos de l'école. Ainsi Jean-Claude Milner affirme que toutes les réformes depuis 1945 sont d'origine chrétienne : « dévaluation des savoirs au bénéfice de la communauté ; dévaluation des savoirs au bénéfice du dévouement ; dévaluation de l'instruction au prix de l'éducation ; dévaluation du cognitif au bénéfice de l'affectif, intrusion dans les âmes et ouverture au monde, etc. » « Milner s'en prend tout particulièrement au courant réformateur du SGEN, rapidement assimilé à une nouvelle église qui serait le cheval de Troie du christianisme détruisant de l'intérieur l'institution scolaire laïque : qui a-t-il de moins laïque que de ramener l'enseignant au confesseur ? Car le tutorat n'est rien d'autre que de la direction de conscience. » (484)
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