Les discriminations raciales dans le cadre professionnel

 


Philippe Bataille,
Le racisme au travail, La Découverte, 1997, 267 p.


Chap 1 : les relations de travail

Au travail, « la conversation peut se terminer par des menaces a priori dans le vide, mais qui désignent toujours les mêmes. La responsabilité des immigrés serait de provoquer, par leur simple présence, l’émiettement culturel de la nation française. Dans ces vibrantes déclarations se reconstruisent inlassablement les critères d’appartenance à l’identité française. Or, seuls ceux qui les définissent sont susceptibles de les satisfaire. il est alors fortement question de la dégradation des mœurs et de l’affaiblissement de la morale... » (18)

Le racisme équilibré est un raisonnement qui a cours dans les entreprises sous deux formes :

- L’entreprise ayant une fonction de sociabilité, et d’intégration, le patronat essaie de contrôler les expressions du racisme

- Les ouvriers manifestent leur solidarité intrinsèque en combattant le racisme, en l’empêchant de se manifester (mais pas d’exister).

Les « logiques d’autorégulation » sont suffisamment « puissantes au point de provoquer un refoulement qui atténue les expressions du racisme, sans parvenir toutefois à les taire totalement » (cf les graffitis) (28)

Le racisme du FN part d’une confusion entre étrangers et enfants d’immigrés sur laquelle il développe l’idée d’un affaiblissement des valeurs traditionnelles ou la durée de la crise économique qu’il leur impute. « L’action politique de ce parti a eu des effets ravageurs sur l’opinion des travailleurs français, qui à défaut d’autres interprétations des difficultés réelles ou imaginaires qu’ils disent éprouver, finissent par verser dans un véritable racisme. » (36)

« ...une réinterprétation de l’histoire de l’immigration dans le travail et de ses conséquences sur l’identité ouvrière est en train de se construire. » (37)


Chap 2 : les discriminations dans le travail

Elle se manifeste par exemple pour les travailleurs saisonniers (vendanges) éloignés des plans de formation qui leur auraient permis de s’occuper des machines qui les remplacent. Ainsi fragilisés, ils servent de main d’œuvre d’appoint, sans statut, devant coller au plus près à l’image commune de l’immigré, feignant notamment de ne savoir ni lire ni écrire, ni parler français, représentant alors un moindre danger.

De la même manière, des formes de ségrégations se manifestent à l’encontre de ceux et celles qui sont au contact avec le public ou la clientèle : pour ne pas nuire à l’image de marque de l’entreprise, ils sont éloignés de ces postes visibles.

De plus beaucoup d’ouvriers d’origine étrangère « estiment que leur progression de carrière est ralentie ou empêchée à cause de considération ethniques ou raciales. » (57) « Le sentiment général est qu’on butte contre une somme de résistances efficaces, même si elles ne sont jamais énoncées clairement. » (58)

Les plaintes sont formulées à l’encontre de la maîtrise, de la direction mais aussi des syndicats.


chap. 3 La fonction publique

Elle utilise au gré des circonstances les travailleurs immigrés, par exemple les médecins en cas de besoin, fermant aussi l’accès à ce marché du travail. De même le développement de personnels à statut précaire (CDD, CES, sous-traitance) est souvent dévolu à des jeunes issus de l’immigration. L’appel à la sous-traitance s’accompagne de suspicion à l’encontre de ces personnels, qui du même coup sont susceptibles de subir un racisme d’accompagnement.

Les immigrés comme usagers sont aussi en butte aux remarques des fonctionnaires (concierges, assistantes sociales) qui les infériorisent, et refusent de se mettre à leur service. « Il existe aujourd’hui dans la fonction publique et plus généralement dans les services publics, un véritable risque de voir les personnels à statut utiliser leur position personnelle pour mettre en pratique leurs idéaux. » (92)

Avec les loi Debré Pasqua, appel à la délation dans certains services de la Sécurité Sociale (95).


Chap. 4 La discrimination à l’embauche

Exemple d’absurdité : un Tunisien diplômé de l’école des mines ayant exercé 4 ans comme ingénieur s’est vu refusé le renouvellement de sa carte de travail au motif qu’il n’exerçait pas une profession en rapport avec sa formation « le point de vue administratif ne considère l’immigré que comme un travailleur devant répondre aux besoins de la France, et donc s’y plier. » (106), il y a donc une véritable « instrumentalisation » (154) de l’immigrant dans l’appareil industriel français.

NB : noter qu’en période de raréfaction du travail, le champ des discriminations illégales et indirectes s’étend : les femmes, les jeunes, les immigrés sont victimes d’inégalités dans le travail et dans leur rétribution.

Le taux de chômage des plus de 40 ans immigrés est nettement plus élevé que les Français du même âge.

Pour les femmes et les jeunes d’origine algérienne, la chance de trouver un emploi est plus faible que d’autres immigrés et bien sûr les Français : 50 % des jeunes d’origine algérienne ont eu une période chômage d’au moins 1 an, 33 % pour les Espagnols, 25 % pour les Portugais.

De plus à niveau de qualification égale voire supérieure ces jeunes ont plus de difficulté à trouver un emploi stable.

Du côté des recruteurs on assiste à une demande de profils bleu-blanc-rouge de manière détournée : possession de la carte d’électeur, pratique d’un dialecte local...

Au moment de la fermeture de certains sites industriel ou miniers, les Algériens sont les exclus par excellence des procédures de reconversion.

Les politiques d’embauche fonctionnent de manière systématiquement discriminatrice mais sans intention consciente, avec un système d’évidence intériorisé, au point que le chef lui même ne sait pas qu’il n’y a pas de maghrébin dans son usine (130).

Comme les enfants d’immigrés candidats à un emploi sont plutôt diplômés, ont des comportements qui ressemblent à ceux des Français de souche, l’argumentation de ceux qui tentent de les exclure du marché du travail doit se renouveler : c’est ainsi le risque qu’ils feraient courir à l’entreprise, pour sa paix interne.


Chap 5. L’enjeu du combat syndical

Selon Gallissot (in La place des étrangers dans le mouvement ouvrier français, MIRE, 1988) les syndicalistes sont tiraillés entre la volonté d’intégration et la préoccupation de protéger le marché du travail.

Quelques données :


L’argumentation raciste, c’est :

- les musulmans refusent de se plier aux règles de fonctionnement de la société française (contrairement par exemple aux Polonais ou Italiens).


 
































































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