Zola : Au bonheur des dames

 


Émile Zola, Au bonheur des dames, LGF, 1984 (1883), 508 p.

C'est un roman sur le progrès ou tout au moins une vision du 19e siècle sur le progrès, ici incarné par le grand magasin. On retrouve ainsi Octave Mouret qu'on avait découvert dans le roman précédent animé par le désir d'ascension sociale, et mettant en œuvre pour cela des stratégies de cœur. Ayant obtenu celui de Mme Hutin avec un mariage, il hérite à sa mort de son magasin qu'il va transformer en mastodonte de la vente. Il répond alors à la demande des femmes - d'abord les plus fortunées, puis de toutes - de disposer de toutes les marchandises possibles dans un choix sans fin. Dans ce dessein, l'écrasement de la petite boutique est inéluctable. Ces boutiquiers mènent la lutte au nom d'une vision traditionnelle, mais n'ont pas les moyens de rivaliser : le père Bourras, l'oncle Baudu de Denise, Robineau y perdent leur argent, leur maison, leur famille. En contrepoint de ces chutes il y a l'ascension inéluctable de Denise qui finit heureuse dans les bras de Mouret. C'est une manière d'imager et d'adoucir la lutte, car Zola décrit aussi la dureté de ce monde de l'entreprise qui dénie à ses salariés de mener une activité professionnelle afin de mettre du beurre dans les épinards : « la maison payait assez cher le temps de ces demoiselles ; si elle travaillaient à leur compte la nuit, elles travaillaient moins dans le jour au magasin, c'était clair ; elles les volaient donc, elles risquaient leur santé qui ne leur appartenait pas. La nuit était faite pour dormir, toutes devaient dormir, ou bien les flanqueraient dehors ! » Car le patron a beau faire dans « l'humanitairie » (le terme est de Zola) avec le souci des conditions de travail (singulièrement améliorées par l'action d'une femme, Denise), l'essentiel est de faire des affaires, et donc de produire sans limites. Là encore, comme dans le roman précédent, Zola est habité par son propos et ses personnages : le style est fluide, on l'oublie au bénéfice de l'histoire...

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