Zola : Germinal

 


Émile Zola, Germinal, Livre de Poche, 1978 (1884), 503 p.

Un des plus connu de la série, sans doute à cause des adaptations cinématographiques. Il est d'une tonalité bien plus grave que tous les autres. L'ironie et même la férocité qui transparaissent surtout quand Zola aborde les milieux bourgeois et/ou aristocrates sont quasiment absents si ce n'est précisément à propos des propriétaires ou gérants des mines. Car l'histoire ici porte sur les gueules noires, histoire emblématique et quasi mythique de l'industrialisation du 19e siècle. Zola, comme a son habitude, est au plus près des populations qu'il décrit : que ce soit au travail, à la maison dans les corons, ou au bistrot, on sent une description très informée des réalités de l'époque. Celles-ci font le cadre et l'argument du roman. Étienne Lantier (fils de Gervaise), sans travail, débarque dans cet univers de misère : Maheu dit alors, « on pourrait être comme ça... Faut pas se plaindre, tous n'ont pas du travail à crever. » (30) Bien que lui-même ouvrier, il découvre une condition qui non seulement l'étonne mais aussi l'indigne : travail des enfants, des femmes, journées à rallonge, salaires insuffisants... Et progressivement il prend la tête de la révolte. Car le souvenir de la grande révolution est encore vivace, mais ce sont « les bourgeois qui se sont engraissés depuis 89. (…) On s'était fichu des ouvriers en les déclarant libres : oui libres de crever de faim, ce dont ils ne se privaient guère. » (140) Cette lutte prend donc la forme devenue depuis classique de la grève. Mais l'échange entre l'ouvrier gréviste et le directeur n'a pas perdu de son actualité quand le premier pointe la responsabilité du second à vouloir privilégier les dividendes des actionnaires au détriment des travailleurs, alors que celui-ci invoque les investissements initiaux et la prise de risque du capital (212). La lutte s'accompagne de violences, avec, comme souvent chez Zola, des scènes saisissantes, en particulier celle de l'émasculation de l'épicier accusé par les mineurs de profiter de leur misère (350). Violence aussi de la répression : « les blessés hurlaient, les morts se refroidissaient dans des postures cassées, boueux dans la boue liquide du dégel de, çà et là envasés parmi les taches d'encres du charbon, qui reparaissaient sous les lambeaux salis de la neige. » (414) Dans ce combat inégal, le meurtre de Cécile, la fille des Grégoire, par le père de Maheu au surnom ironique (Bonnemort), laisse entrevoir des formes de cruauté populaires engendrées presque mécaniquement (le vieux est handicapé) par un rapport de domination cynique (par charité Cécile vient lui apporter des chaussures...). Au final, ce roman saisissant les rapports de classe dans leur confrontation directe en dresse aussi la portée universelle.



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