Zola : La terre
Émile Zola, La terre, LGF, 1984 (1887), 577 p.
Comme le titre l'indique c'est au milieu paysan que Zola s'attaque avec ce roman. S'attaque car sous sa plume les paysans (pas plus que les bourgeois, les nobles, les ouvriers, les curés dans d'autres épisodes de la série...) ne sont pas toujours à leur avantage. S'ils sont près de la terre, et avec elle, des cycles naturels, les saisons, de la vie végétale ou animale (les bêtes sont anthropomorphisées), la terre représente en même temps la propriété, et donc l'argent. Le paysan est donc près de ses sous, et une bonne partie de l'histoire en montre tous les travers. En effet, on suit une famille qui se déchire dans la répartition de la terre du père (Fouan) entre ses enfants qui s'avèrent tous plus monstrueux les uns que les autres : Buteau, Jésus-Christ et Fanny. Chacun à sa façon arnaque le père pour récupérer son bien. Les alliances conjugales bien que très marquées ne sont d'ailleurs qu'en appui de ce désir de terre. Et Zola balaie en panoramique la campagne de la Beauce et souligne à travers ces relations de fratrie (fraternelles et sororales) ou d'enfants à leurs parents qu'elles sont universelles, comme le sont les désirs sexuels. Car c'est un autre point intéressant de ce livre que de montrer la grande liberté de l'écrivain pour décrire de manière crue et directe la sexualité des paysans, et plus largement le rapport au corps et ses humeurs (merde, pets, rots), dans une expression qui pourrait se réclamer de Rabelais. Avec des superstitions qui entraînent ces paysans à croire qu'on peut éliminer un fœtus par des formules magiques : « ils affectèrent de douter, mais l'antique crédulité passée dans les os de leur race les secouait d'un frisson. » (455)
Zola examine aussi le rapport à la politique, et y observe un rapport à la fois de crainte et instrumental : « dans la crainte des coups de balai, ils étaient toujours du côté du manche, résolus à se donner au plus fort, au maître, pour que rien ne changeât, que le blé se vendit cher. » (374). Le souvenir – critique - de 1789 reste présent : « Liberté, égalité,fraternité ! Faut en revenir à la révolution ! On nous a volé dans le partage, les bourgeois ont tout pris, et, nom de Dieu ! On les forcera bien à rendre... » (243)
Tout cela dans une écriture alerte dont on imaginerait aisément qu'elle puisse donner lieu à une adaptation cinématographique.
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