La révolution montrée au cinéma

 


Roger Icart, La Révolution française à l’écran, Toulouse : Milan, 1988


En 1914 la Révolution française n’est pas sur les écrans pour ne pas étaler les luttes fratricides et les troubles. Ainsi 93 que tournait A. Capellani est arrêté et terminé en 1917 et ne sera projeté qu’en 1921 (15-16) car interdit.


La période précédant la Révolution française est peu mise en images sauf : l’affaire du collier de la reine, et les fastes de la Cour dans diverses Marie Antoinette. Les conditions de vie du peuple sont peu montrées (33)

« La prise de la Bastille le 14 juillet 1789 fut le premier événement révolutionnaire retenu par le cinéma. Ni la réunion des États généraux, ni le serment du Jeu de paume, ni la création de l’Assemblée constituante n’ont fourni matière à scénario, tout au plus quelques allusions. » (37) Mais les difficultés matérielles de la reconstitution limitent son impact hormis pour les producteurs américains plus dotés ; elle sera donc plus souvent évoquée que montrée.

A la différence de la Bastille les journées d’octobre sont plus faciles à mettre en scène.

La fuite à Varennes suscita l’intérêt des cinéastes. (47)

Une constante : dépeindre le peuple comme agitateur violents et dangereux, la populace, brutes à face patibulaires, commères hirsutes et dépenaillées, sombres brutes ivres de carnage, masse vociférante,

Autre moment privilégié : la Marseillaise surtout on s’en doute à partir du moment où le cinéma fut sonorisé.

Les tuileries souvent de manière allusive, et même désinvolture pour le cinéma américain. Le seul film qui en rende vraiment compte c’est La Marseillaise. (61)

« Le cinéma s’est beaucoup inspiré de cette période [la Terreur] et de ses personnages les plus représentatifs, souvent d’ailleurs pour des raisons impures. Il s’agissait moins en effet de caractériser, encore moins d’exalter les faits et les hommes qui ont marqués cette période troublée, que d’utiliser ces données pour créer une atmosphère de crainte, d’angoisse, de frayeur – symbolisée par la guillotine - ou développer une intrigue dramatique, aventureuse, voire même parodique, le plus souvent imaginaire ; sinon d’infléchir la vérité historique dans le but avoué de faire servir l’histoire ainsi remodelée, à une démonstration politique ou philosophique donnée. » (65)

Anglo-saxons : les terroristes sont des exaltés prêts à toutes les horreurs. Griffith déclarant ainsi sur un intertitre des Deux orphelines : « La tyrannie des rois et des nobles est dure à supporter, mais la tyrannie d’une populace folle furieuse menée par des dirigeants avides de sang est intolérable. » (67)

L’époque de la Terreur a produit plusieurs films mettant en scène les grands chefs. Mais alors que Robespierre et Marat n’ont pas suscités de biographies, Danton a polarisé non sans arrières pensées, s’opposant à Robespierre, donnant à la Révolution française un visage humain, l’ennemi des excès dogmatiques (77)

Du coup les victimes sont souvent montrées ; parmi elles c’est Marie Antoinette qui décroche la palme, suscitant le plus souvent la pitié (86).

Le Directoire peu montré (96).

La guerre de Vendée et chouannerie inspirent beaucoup le cinéma (107 sq) utilisées comme ressorts dramatiques (par déchirements sentimentaux). (c'était le cas dans 93 de Hugo)

Les combats contre les envahisseurs guère montrés, sauf chez Gance : « Figures inouïes, une exaltation héroïque. Il y a là 10, 20, 100, 1000 figures, et toutes sont à ce point agitées des mêmes sentiments qu'elles se diluent peu à peu en une seule tête immense qui synthétise toutes les autres, et qui est celle de la France de 1792 dont l'expression dépasse le cadre de l'histoire pour entrer dans celui de l'épopée. » (116)


« Il découle de ce rapide panorama chronologique que la révolution française fut bien souvent un prétexte commode, pour faire évoluer dans un contexte historique connu des personnages plus ou moins imaginaires suivant la recette de ce bon M. Dumas, à moins qu'il ne s'agisse de retracer l'existence de quelques figures célèbres de cette époque troublée avec toute la liberté d'interprétation que le scénariste emprunte au romancier. » (135)

« Une seconde constatation vient aussitôt après l'esprit : ce regard porté par les cinéastes et scénaristes de tous temps est généralement fort critique pour ne pas dire hostile. (…) Tout au plus loue t-on les armées de la République à condition qu'elles ne combattent pas l’insurrection Vendéenne. Rares sont les œuvres qui cherchèrent à dégager le sens de la révolution, à poser une interrogation sur son devenir ou tout simplement à l'exalter, comme le tentèrent le Napoléon d’Abel Gance, la Marseillaise de Jean Renoir ou, plus près de nous, le Danton de Wajda. «  (135)


Les hommes qui s’intéressent au cinéma (Calmette, Capellani, Denola, Pouctal, de Morlhon, Perret, Feuillade, et ceux qui vont en faire une industrie les Pathé et Gaumont voient le jour entre 1860 et 1880, ils ont reçu l’enseignement de Lavisse, et donc l’idée d’un compromis : « Ils compatiront au malheur de la famille royale ; ils approuveront la constituante qui, établissant la liberté et l’égalité, garantit la propriété privée ; ils liront avec effroi les horreurs dont se sont rendus coupables Robespierre et les terroristes envers d’innocentes victimes et les grands constitutionnels dont ce bon monsieur Danton ; ils vibreront enfin aux exploits des armées de la république. Ce sont ces idées, ces conceptions qu'ils vont en toute bonne foi véhiculer dans leurs évocations, tout simplement parce qu'elles constituent en ce 19ème siècle finissant, le credo de tout bon républicain. » (137)

Ce d’autant plus que ceux qui financent appartiennent aux classes possédantes inquiètes par le socialisme montant et les grèves ouvrières. «  Étaler complaisamment l'agitation révolutionnaire de 1789, montrer sous un jour favorable les actes des meneurs les plus exaltés, risquerait de justifier d'autres actions encore plus violentes. Aussi mais sans doute pas par hasard qu’on montre par exemple la mort de Marat, la fin de Robespierre... et non leur rôle . » (137)

Après la guerre mondiale et 1917, une petite évolution : bien que les thèmes restent les mêmes (la chouannerie du côté vendéen), les révolutionnaires ne sont plus décrits de manière aussi antipathique. Le besoin de paix fait cristalliser l’idée de « République universelle » (Gance).

Mais le front populaire puis la perspective de la guerre fait ressurgir de lectures plus patriotiques. Après la 2ème guerre mondiale c’est le divertissement qui s’impose.

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