Ethnographie de la culture populaire

 


Pierre Sansot, Les gens de peu, PUF, 1992, 223 p.


À qui correspond cette appellation ? Le petit peuple versus le peuple. Un choix de pratiques et de conduites populaires. Choix car il nous arrive d'avoir « le sentiment de vivre au milieu de l'inépuisable. » (12) Des pratiques réglées qui marquent une ascèse dans le quotidien et les excès de la fête ou du week-end. Noter les pratiques du jardinage et du bricolage : « la joie d’œuvrer par soi-même, d'exercer une intelligence pratique, d'échanger des tuyaux avec des amis ou des parents. » (24)


Les pratiques, les conduites, les atmosphères, les ambiances observées : la chanson, la médecine alternative, le ménage, le bricolage, les scènes de ménage, l'habitat, la promenade, le repas, l'ivrognerie, le football, la pétanque, le camping, les bals, le Tour de France.


Une conception dominante verrait la langue populaire définie négativement par ses manquements, ses incorrections. De ce point de vue là elle n'a pas d'existence propre.

Recours à des médecines alternatives : rebouteux, magnétiseur, voyants, hypnotiseur, etc. C'est l'idée que le guérisseur a reçu un don (sorte de pensée magique, qui peut se coupler à la pensée religieuse : syncrétisme)

Toutes les actions ménagères n'ont pas la même dignité : les micros tâches du quotidien. C'est la cuisine qui est vue avec considération, surtout les jours de fête. « La couture a pu être valorisée. » (51) La lessive n'est pas sans intérêt (les odeurs). Le tricot ne rencontre pas l'unanimité. Tout cela c'est subvenir aux besoins élémentaires de ceux qui vous accompagnent dans votre destinée, et c'est faire une économie. (52)

« Le bricoleur aime se confronter à l'urgence, à ce qui suscite, chez d'autres, l'angoisse. » (59) Mais il aime arriver au bout de sa tâche. Deux types de bricoleur : ceux qui aiment travailler en commun et ceux qui travaillent seuls. Le bricolage peut être fait pour compte d'autrui, chez les amis ou dans la famille, et là il faudra accepter de sacrifier ses dimanches. (63)

Scène de ménage comme un mode d'existence à l'autre. Il faut comprendre la colère des humbles. (72)

Le budget des familles modestes révèle une part plus élevée à l'alimentation qu'à la culture. Notamment à l'occasion des fêtes. Qui sont l'occasion de boire du vin ou du pastis. (103)

À une époque où les équipements n'étaient pas très fournis, éloge des plaisirs simples comme la promenade, jouer aux boules, jouer aux cartes. Indissociablement le reflet d'une condition économique mais aussi d'un capital culturel déficient.

Le football est plus populaire que le tennis.

« Le jeu de boules se développe grâce à une vie sociale chaude, fraternelle qu'il contribue ensuite à développer et à rendre plus intense, plus colorée. » (155) Jeu familier, familial, et masculin (à la différence des cartes).

Le camping : espace clos et parfois clôturé (à la différence du camping à la ferme où règne une impression de liberté). Avec un contrôle strict des entrées. C'est une rupture radicale avec ce que furent les premiers campings populaires improvisés. Impression de vastitude, encore plus ressentie par les enfants (167). On peut y remarquer des voitures plus grosses, des caravanes : un appétit de distinction sociale qui ne déplaît pas nécessairement aux gens de peu. Mais en ce temps-là le camping se distinguait essentiellement par des tentes de qualité et de volume différents. Chez les campeurs on peut distinguer les permanents, les habitués et les passagers. La caravane peut marquer l'accomplissement d'un rêve, l'équivalent d'une résidence secondaire. (170) Le temps reste structuré : repas, sieste (même si c'est le temps du laisser aller : acheter des cigarettes, des maillots de bain, des glaces…). Place importante accordée à la météorologie du fait des conditions de vie plus précaire. C'est un mélange d'intimité et de promiscuité : proximité sensorielle (vue, ouïe, odeur).

Un goût prononcé pour les bals, en particulier celui du 14 juillet où résonne l'instrument par excellence de la fête : l'accordéon.

Attachement au Tour de France.

« Le respect, l'émerveillement dont nous avons pu faire preuve à leur égard n'abolit pas la distance qui nous sépare d'eux. » (203)

Idée qu'en ce milieu social-là et en cette époque révolue il existe des conduites propres, autonomes lesquelles auraient donc progressivement disparu. (206) Mais idée aussi qu'il existe des modèles qui fascinent les gens de peu, modèles véhiculés par la presse et le cinéma ; modèles qui se situent à mi-chemin du réel et l'imaginaire. Comme par exemple ce film sur les resquilleurs, lesquels suscitent l'admiration.

« Se manifeste un sentiment authentique de fierté mêlé à la modestie, mais quand la première devenait excessive, les individus échappaient à la catégorie des gens de peu : ils entraient dans une autre classe, par exemple l'avant-garde de la classe ouvrière. » (209) Si un membre de la petite bourgeoisie pénètre dans un bistrot, il se sent observé. Il se sent déplacé.

« Les gens de peu eurent la grandeur, même s'ils n'eurent pas toujours la capacité de se révolter, de vivre dans la discrétion, avec une réserve qui n'excluait pas la fierté. » (216)

Les gens de peu n'étaient pas des gens de rien. (217)

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