Le rôle de la mère dans le développement de l'enfant
Donald W. Winnicott, La mère suffisamment bonne, Payot, 2006 (1996), 125 p.
Préface (Gisèle Harrus–Revidi) : filiation de Winnicott avec Darwin avec une potentialités créatrice du bébé qui ne peut s'exprimer que dans un environnement favorable donc par une forme de sélection naturelle. Un environnement social, biologique et psychique qui doit être satisfaisant : « quand ces qualités sont réunies, les carences partielle de l'environnement, volontaires ou non, deviennent facteurs d'autonomisation. Pour toutes ces raisons la mère peut et doit être suffisamment bonne et non pas trop bonne. » (11) La mère insuffisamment bonne fait défaut au nourrisson, lui refusant sa toute puissance, préférant narcissiquement s'occuper d'abord d'elle-même. Du coup ces enfants-là sont « en apparence mûrs et posés, capables de se contrôler dans les situations où les autres n'y arrivent pas, mais ils ont renoncé précocement aux satisfactions liés au processus primaire. Trop de contrôle tue le désir et certaines formes de vitalité. On rejoint ici Ferenczi qui dit que la maturation précoce des enfants les transforment « en fruits blets ». » (27)
La préoccupation maternelle primaire (1956)
Dans la petite enfance on observe une relation symbiotique entre le bébé et la mère. Celle-ci est biologiquement conditionnée à sa tâche qui consiste à s'adapter aux besoins de son enfant. C'est une identification consciente mais aussi profondément inconsciente de la mère à son enfant. (37) Dans ces premiers temps, la mère doit atteindre un stade d'hypersensibilité puis s'en remettre. C'est le sens du terme ordinairement dévouée. Car « seule une mère sensibilisée de la sorte peut se mettre à la place de son enfant et répondre à ses besoins. Ce sont d'abord des besoins corporels qui se transforment progressivement en besoin du moi, au fur et à mesure qu'une psychologie naît de l'élaboration imaginative de l'expérience physique. » (45) « Le défaut d'adaptation de la mère au stade le plus précoce ne produit rien d'autre que l'annihilation du self chez le petit enfant. » (46) La mère et la personne qui convient le mieux aux soins du bébé parce qu'elle peut atteindre « cet état particulier de préoccupation maternelle primaire sans être malade. » (47) C'est à cette condition que le petit enfant commence à exister, avoir des expériences, édifier un moi personnel, dominer ses instincts ; il fait face à toutes les difficultés inhérentes à la vie. Tout cela semble réel à l'enfant, qui devient un capable d'avoir un self. « Sans l'environnement initial suffisamment bon, ce self qui peut se permettre de mourir, ne se développera jamais. Le sentiment du réel est absent, et, s'il n'y a pas trop de chaos, le sentiment ultime est celui de l'inutilité. » (48)
La mère ordinaire normalement dévouée (1966)
« On ne répétera jamais assez que être est le début de tout et que, sans cela, « faire » et « subir » ne veulent rien dire. Il est possible d'inciter par la séduction un enfant à se nourrir et à jouir de ses fonctions corporelles, mais le bébé n'a pas le sentiment d'en faire l'expérience si cette expérience ne repose pas sur la quantité suffisante d' « être tout simplement » pour mettre en place le self qui deviendra qu'une personne. (66)
« L'existence psychosomatique est un accomplissement et, même si elle est fondée sur une tendance innée à grandir, elle ne peut être effective sans la présence d'un être humain qui participe activement au holding (« maintien ») et au handling (« maniement ») du bébé. Une rupture dans ce domaine correspond à des troubles somatiques. Ces troubles ont en réalité leur origine dans une structure instable de la personnalité. » (68)
La capacité d'être seul (1958)
Elle est presque synonyme de maturité affective (79), et elle est basée sur l'expérience d'être seul en présence de quelqu'un. Si cette expérience est insuffisante la capacité d'être seul ne parvient pas à se développer. (83)
Distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self (1960)
Il y a « un parallèle entre ce que je répartis en vrai self et en faux self, et la distinction établie par Freud d'une partie centrale gouvernée par les pulsions (ou par ce que Freud appelle sexualité, prégénitale et génitale) et d'une partie tournée vers l'extérieur et établissant des rapports avec le monde. » (94)
L'examen clinique montre la nature défensive du faux self. « Sa fonction de défense est de dissimuler et de protéger le vrai self, quel qu'il puisse être. » (99) À l'extrême le faux self est établi comme réel et c'est lui que les observateurs ont tendance à prendre pour la personne réelle. Dans les situations quotidiennes (travail, relation amicale) où l'on s'attend à trouver une personne totale, il manque au faux self quelque chose d'essentiel. A un degré moins extrême le faux self défend le self authentique. Le vrai self est toutefois perçu comme virtuel et une vie secrète lui est permise. Nous avons là l'exemple le plus clair d'une maladie clinique organisée dans un but positif : la préservation de l'individu en dépit des conditions anormales de l'environnement. A un degré plus proche de la santé, le faux self a pour but principal la quête des conditions qui donneront au vrai self la possibilité de recouvrer son bien. « Si ces conditions ne peuvent être trouvées, il faut alors que se réorganise une nouvelle défense contre l'exploitation du vrai self. Que le doute intervienne, et le résultat clinique est le suicide. Dans ce contexte, le suicide est la destruction du self total pour éviter l'anéantissement du vrai self. Lorsque le suicide est la seule défense qui subsiste contre la trahison du vrai self, le rôle imparti au faux self est alors d'organiser le suicide. Cela implique naturellement sa propre destruction, mais cela élimine en même temps la nécessité de maintenir son existence, étant donné que sa fonction est de protéger le vrai self de toute offense. » (100) A un degré plus proche encore de la santé, le faux self s'établit sur la base d'identifications. Dans l'état de santé le faux self est représenté par toute l'organisation que constitue une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. Une grande partie du faux self est passé dans l'aptitude individuelle à renoncer à l'omnipotence et au processus primaire en général, avec pour bénéfice la place dans la société, que le vrai self ne peut jamais atteindre et maintenir seul. » (101) Lorsqu'un faux self s'organise chez un individu qui a un potentiel intellectuel très élevé, l'esprit tendra à devenir le lieu où réside le faux self. (102) Il se développe une dissociation entre l'activité intellectuelle et l'existence psychosomatique. Le monde extérieur peut alors difficilement croire à une détresse réelle de l'individu concerné dans celui-ci se montre brillant. (103)
Le rôle de la mère revient à poser que veut dire l'expression « suffisamment bonne ». Elle répond à l'omnipotence du nourrisson et elle lui donne une signification à maintes reprises. « Par l'intermédiaire de la force que donne au moi faible du nourrisson l'accomplissement de ses expressions d'omnipotence, un vrai self commence à prendre vie. La mère qui n'est pas suffisamment bonne n'est pas capable de rendre effective l'omnipotence du nourrisson et elle ne cesse donc de faire défaut au nourrisson au lieu de répondre à son geste. À la place, elle est substitue le sien propre, qui n'aura de sens que par la soumission du nourrisson. Cette soumission de sa part est le tout premier stade du faux self et elle relève de l'inaptitude de la mère à ressentir les besoins du nourrisson. » (105-106) « Le faux self a une fonction positive très importante : dissimuler le vrai self, ce qu'il fait en se soumettant aux exigences de l'environnement. Dans les exemples extrêmes de développement d'un faux self, le vrai self est tellement bien dissimulé que la spontanéité n'est pas une caractéristique des expériences vécues du nourrisson. La soumission est alors la caractéristique principale et l'imitation une spécialité. » (109)
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