Giuliano da Empoli : Le mage du Kremlin

 


Giuliano da Empoli, Le mage du Kremlin, Gallimard, 2022, 288 p.


Il s'agit en quelque sorte d'une histoire de la Russie, ancrée dans l'époque contemporaine pour mieux en chercher les racines éternelles. Le roman met aux prises des personnages réels tels que Poutine dont l'action politique est mise en parallèle avec les tsars ou encore avec Staline. L'auteur donne à voir le pouvoir dans son essence.

Mais l'aspect littéraire laisse assez froid. On est peu embarqué par l'histoire, par les personnages. Tout cela manque d'intensité, de variation.


« Les fonctionnaires du parti se divisent en deux catégories, les bons à rien, et les prêts à tout. » (24)

Le système soviétique était fondé sur le statut. L'argent ne comptait pas. Personne ne répond c'est à évaluer une personne sur la base de l'argent qu'il possède. Si au lieu de se faire donner la datcha par le parti tu l'achetais, cela voulait dire que tu n'étais pas sûr d'être assez important pour qu'on te l'offres. Ce qui comptait c'était le statut, pas le cash. Bien sûr, il s'agissait d'un piège. Le privilège est le contraire de la liberté, une forme d'esclavage plutôt. » (35)

« Les nouveaux héros, les banquiers et les top models ont imposé leur domination et les principes sur lesquels étaient fondée l'existence de trois cents millions d'habitants de l'URSS ont été renversés. Ils avaient grandi dans une patrie et se retrouvaient soudain dans un supermarché. La découverte de l'argent fut l'événement le plus bouleversant de cette époque. » (68)

Constat que poutine est insensible « aux plaisirs, qui adoucissent la vie. Comme dit Faust, « qui commande doit trouver son bonheur dans le commandement ». » (77)

« Comme disait ce diplomate français, l'avantage de la guerre civile sur l'autre, c'est qu'on peut rentrer manger chez soi. »

« Ce qui est amusant, c'est que vous continuez, appeler les nôtres des « oligarques », tandis que les vrais oligarques n'existent qu'en Occident. C'est là que les milliardaires sont au-dessus des lois et du peuple, qu'ils achètent ceux qui gouvernent et qui écrivent les lois à leur place. » (122)

Au moment de la répression stalinienne, les procès étaient mis en scène, et le travail de production mélangeait la réalité et la fiction. « Le public, celui qui était admis à assister au procès, et surtout les millions de personnes, restées à la maison, informées par la radio, et la Pravda, devaient traverser les mêmes émotions qu'en regardant un film de la Métro, Goldwyn Mayer. L'appréhension, l'angoisse, l'horreur face au Mal. Puis la sérénité profonde qui dérive de la résolution d'un conflit et du triomphe du bien. Il n'y a pas de limite à la capacité créatrice d'un pouvoir disposé à agir avec la détermination nécessaire, pourvu qu'il respecte les règles fondamentales de chaque construction narrative. La limite n'est pas constituée par le respect de la vérité, mais par le respect de la fiction. » (124)

« La Russie doit devenir un lieu où on peut défouler sa rage contre le monde, et rester un fidèle serviteur du tsar. Les deux choses ne sont pas contradictoires. Bien au contraire.

  • Pratiquement, vous voulez rendre la révolution impossible.

  • Disons que nous voulons en abolir la nécessité Alexandre. Quel besoin y a-t-il de faire la révolution si le système l'incorpore ? »

« Nous ne devons convertir personne, juste découvrir ce en quoi ils croient, et les convaincre encore plus, tu comprends ? Donner des nouvelles, de vrais ou de faux arguments, ça n'a n'a pas d'importance. Les faire enrager. Tous. Toujours plus. Les défenseurs des animaux d'un côté et les chasseurs de l'autre. Ceux du Black Power, d'un côté et les suprématistes blancs de l'autre. Des activistes gays et les néonazis. Nous n'avons pas de préférence. » (178)

« Ainsi, partout, nos premiers propagandistes deviendront ceux qui nous accuseront de comploter contre la démocratie, en Europe et aux États-Unis. Ce sont eux qui vont construire le mythe de notre puissance. Nous, nous ne devons pas faire autre chose que nous comporter de façon suspecte et de formuler quelques démentis, peu plausibles. Cela suffira pour confirmer leurs pires cauchemars. » (179)

« Aujourd'hui, le pouvoir est la seule solution, parce que son objectif, l'objectif de tout pouvoir à l'œuvre, est l'abolition de l'événement. » (217)

« La sécurité, à n'importe quel prix. Dès aujourd'hui, la variation est devenue suspecte, bientôt le plus infime écart par rapport à la norme, deviendra un ennemi abattre à tout prix. » (220)

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