Romain Gary : Les Racines du ciel
Romain Gary, Les Racines du ciel, Gallimard, 1956, 463 p. (epub)
Lu en 2024 ce livre est étonnant de modernité (et de lucidité) puisqu’il pointe – déjà - l’action désastreuse de l’homme sur la nature. Le prétexte ici est la défense des éléphants. Le livre ne fournit pas de données statistiques mais on sait par ailleurs, que dans les années 60, alors que le massacre a commencé (c’est l’objet du livre), il reste par exemple 100 000 individus en Côte d’Ivoire (mais quelques centaines en 2024…). Donc l’auteur s’alerte d’un problème qui n’est alors que naissant. Son habilité est de le replacer dans un contexte socio-économique et géo-politique plus large. Cet original, le dénommé Morel, œuvre t-il pour lui-même et sa lubie, ou agit-il pour la libération de l’Afrique ? Et cette critique n’est-elle pas au fond celle de la démarche capitaliste prête à exploiter toutes ressources au détriment du vivant ? De proche en proche on voit aussi que cette sensibilité vient en contrepoint d’autres exterminations récentes, notamment celle des juifs par les nazis. Ainsi, autour d’une histoire qui convoque la description des paysages et de la faune africains, sont abordées les questions du capitalisme et du consumérisme, de l’impérialisme et de la colonisation, du nationalisme et des guerres de libération, avec en toile de fond supérieure à toutes, la question de l’humanisme. Etre un humain nous dit Gary c’est replacer son espèce dans le système des espèces naturelles, ni plus, ni moins. Aussi cette défense obstinée de Morel résonne t-elle avec encore plus d’acuité aujourd’hui. Si le fond convainc donc, on est moins saisi par la forme qui comporte quelques longueurs et redites. En particulier le récit manque un peu de rythme.
« Une civilisation uniquement utilitaire ira toujours jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au camp de travail forcé. » (83)
Commentaires
Enregistrer un commentaire