Le métier de bibliothécaire

 


Michel Melot, La Sagesse du Bibliothécaire, L’Oeil neuf, 2004, 110 p.


« Le bibliothécaire aime les livres comme le marin aime la mer. Il n'est pas nécessairement bon nageur, mais il sait naviguer et il sait que ce n'est pas à la nage qu'on va le plus loin. » (5)

Un grand lecteur est une personne qui lit au cours de sa vie 10 000 ouvrages au mieux, 3000 pour les électeurs cultivés, ceux qui lisent un livre par semaine pendant 50 ans. Alors que l'édition française produit 40 000 titres par an (les Britanniques 100 000, les Espagnols, 50000). Le bibliothécaire n'ignore pas cette disproportion, qu'il essaye de canaliser, de filtrer pour distribuer aux lecteurs un savoir potable. Bien sûr, tous les livres ne sont pas faits pour être lus de la première à la dernière page. La plupart des ouvrages ne sont que consultés ou feuilletés. Dans cette production, sans doute beaucoup de livres inutiles. À ce sujet, il faut se souvenir de la phrase du sultan Omar lequel, après la prise d'Alexandrie par les Arabes, répondit à la question de ses lieutenants concernant ce qu'ils devaient faire des milliers de livres que contenaient les bibliothèques d'Alexandrie. Il aurait répondu : « s'il répètent ce qui est dans le Coran, ils sont inutiles. S'ils le contredisent, ils sont nuisibles. « (cité page 12) « Le bibliothécaire est par définition tolérant. Il vit de la multiplicité et de la diversité des opinions. » (12) Pour les livres à problèmes, tel Mein Kampf, la question qui se pose est celle de l'environnement : dans quel type de bibliothèque (pour quels lecteurs) peut-on trouver un tel livre. La question s'est posée sur un autre niveau, celle de la censure dans certaines municipalités d'extrême droite qui voulaient mettre fin à des abonnements à la presse de gauche. On entendit alors une protestation des bibliothécaire.

Leur travail consiste en un système de classement et de classification qui sont aussi nécessaires que contradictoires. Ils se détruisent l'un l'autre. Le classement est inévitable en raison du caractère matériel des documents : leur taille, leur volume, obligent des regroupements comme les encyclopédies et dictionnaires par exemple ou certains autres qu'on doit ranger à plat, ou encore les revues, ou même des documents fragiles, des cartes de géographie, des disques, des journaux… Alors que la classification est intellectuelle et vise à réunir les documents portant sur le même sujet.

Face à l'accumulation année après année de cette production livresque, une opération dans les bibliothèques est nécessaire, celle du désherbage laquelle consiste en l'élimination des documents obsolètes.

« Le succès des livres comme forme de relation humaine est sans doute dû à cette double qualité : le pli, qui articule la pensée, et la reliure qui la circonscrit. Le livre est un merveilleux meuble à ranger les idées et les rêves. Grâce au livre, l'ordre règne dans le monde des idées et des rêves. Ils ont un début, une suite, une fin. Ils sont stabilisés. » (46)

Dans ce monde ordonné de la bibliothèque, les professionnels rejoignent d'autres grands classificateurs comme les astronomes ou les botanistes. Car les savants des sciences naturelles ont eux aussi un souci de classification raisonnée.

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